Moins qu'un remake du film de 1951, le Carpenter est la fidèle mise en images de la novella de John W. Campbell. Non seulement les principales péripéties sont reprises (les chiens, le biologiste délirant mis à l'écart, le test sanguin si particulier - seul le début du film de 1951 est plus proche du livre), mais la représentation de l'extra-terrestre est conforme au concept d'une créature protéiforme, adoptant l'aspect et la physiologie des formes de vie avec lesquelles elle entre en contact, afin de s'adapter au milieu dans lequel elle se trouve, y survivre et l'envahir.
Carpenter et le scénariste Bill Lancaster ont choisi à raison d'éluder les facultés télépathiques de l'extra-terrestre, ce qui permet à cette menace de gagner en force symbolique et en réalisme sans s'éparpiller dans les nombreuses hypothèses sur sa nature, qui ont plus leur place en littérature. La paranoia des personnages trouve déjà une cause suffisante dans ce péril purement biologique (qui s'empare donc du cerveau de ses hôtes comme du reste de leur corps, avant de les répliquer/remplacer).
On peut noter que cet autre incontournable de la sf paranoiaque, "Invasion of the body snatchers", fut publié à partir de 1954 et sortit en film en 1956. Quant au Blob, il fut projeté en salles en 1958.
De comparables créatures informes hantent la cité morte des Montagnes hallucinées de l'Antarctique (publié en 1936). Certains ont remarqué la probable influence du récit de Lovecraft, avec ses Grands Anciens décongelés, sur celui de Campbell. On aurait pu supposer aussi celle des dernières théories génétiques de l'époque - mais Who goes there, initialement publié en 1938, précède l'identification de l'ADN par Oswald Avery en 1944, qui le nomma "transforming principle"! De manière également visionnaire, l'extra-terrestre métamorphe est comparé à un virus, bien avant la mise au point de méthodes transgéniques employant comme "chevaux de troie" ces mêmes virus.
Conformément à la novella, la version de Carpenter ne compte aucune femme dans les rangs des chercheurs et des techniciens isolés en Antarctique (37 quand même dans le livre), nous épargnant ces trop courantes (et pénibles) diversions des adaptations ciné d'antan : romance et personnage secondaire comique/sympa/simplet. Au contraire, il va à l'essentiel, en reconnaissant dans le brillant récit original les composants d'un chef-d'oeuvre.
On trouve un résumé fidèle (en anglais) de la novella ici.