Dans un décor glacé et pur, John Carpenter ouvre très habilement son sixième film. Un hélicoptère bruyant, des coups de fusils et un chien. Mauvais cocktail pour ce pauvre animal. Et nous spectateurs, révoltés de voir le meilleur ami de l'Homme pris ainsi pour cible pendant une poignée de minutes, sommes dans l'incompréhension. Que lui veulent-ils ces enfoirés ? Sa fourrure ? A-t-il piqué de la nourriture ? Aucune idée. La seule chose que l'on sait, c'est qu'on ne veut pas qu'ils réussissent à l'avoir. Alors court toutou ! Il parvient à arriver à une base où il trouve refuge. La suite donne tout son sens à cette ouverture. Ce chien est un immonde alien métamorphosé. Maintenant on est fixé, le réalisateur nous a subtilement glissé un panneau : 'Ne pas se fier aux apparences !'. Là est le coeur du film et sa plus grande réussite. Tout le scénario repose sur ce principe. La "chose" peut prendre l'apparence de tous. Alors plusieurs procédés sont mis en oeuvre pour perdre le regard du public pour qu'il n'ait pas toutes les informations, notamment par occultation. Les personnages après avoir compris, mettent en place des stratagèmes pour démasquer le monstre. L'intégralité de ce système fonctionne à merveille jusqu'à la fin. Cependant, à certains moments le récit accélère ou ralentit sans raison apparente ce qui le rend difficile à suivre. Le film s'égare à certains moments à vouloir (trop) perdre le spectateur. L'intrigue est très claire mais certains enjeux sont flous enlevant de la justesse aux dialogues et aux situations. Globalement le pitch est original et intéressant, mais dans les faits, aucune intrigue secondaire donc rendant la principale moins convaincante.
L'environnement en huis clos avec une douzaine de personnages reconnaissables est propice à ce genre de récit. En outre, la narration est soutenue et amplifiée par le lieu, base scientifique au milieu des terres enneigées d'Antarctique, qui cloisonne les personnages loin de toutes aides extérieures et enferme le récit dans une zone précise, facilitant ainsi l'avancée de l'intrigue. Un complexe moderne dans un désert de glace offre des opportunités de plans que le metteur en scène a su saisir donnant au film une esthétique froide et sombre que la musique appuie chaque fois que c'est nécessaire.
En plus du jeu d'enquête pour savoir qui n'est pas celui qu'il prétend être, l'interprétation des acteurs et La Chose sont les points positifs primordiaux. Kurt Russel et ses acolytes parviennent à nous transmettre l'émotion vécue avec panache ainsi que le doute qui ressort de chaque protagoniste vis à vis de leurs collègues. Mention honorable à leur manière de transmettre ces sentiments compliqués de suspicion, qui font véritablement vivre le film. Les acteurs font la réussite d'un film tel que le fait la réussite du méchant. Dans ce long-métrage, La Chose est le coeur de l'histoire donc impensable de la rater. Cette forme organique gluante et hybride d'un grotesque effrayant, presque nanardesque aujourd'hui, reste crédible et dérangeante. Lorsque sa transformation est interrompue, les différents monstres plastiques sont d'une réussite totale.
Ces divers aspects réussis et évoqués du film font de lui un classique. Il est vrai. En revanche The Thing est un film plaisant et prenant oui, mais qui à posteriori, manque de quelque chose.