Mon incompréhension chronique vis-à-vis de ce que beaucoup considèrent comme le chef d'œuvre de John Carpenter - pourtant l'un de mes cinéastes de référence - m'a toujours perturbé. Quatrième visionnage de "The Thing", pour tenter (enfin) d'y voir clair : j'ai compris que deux choses me gênaient dans le film, d'une part l'accumulation de scènes gore répugnantes nous montrant avec force détails les résultats des mutations de "la Chose", et d'autre part l'absence de cohérence dans la contamination des personnages et leurs apparitions / disparitions suscitant les tensions au sein de l'équipe. Préférant les films qui "ne montrent pas", je jugeais que Carpenter était tombé du "mauvais côté", et je rejetais l'angoisse de la suspicion puisqu'elle ne répondait à aucune logique. En retournant ces arguments en faveur du film, j'ai enfin compris l'intelligence du "geste de cinéma" de Carpenter : d'une part tenter de faire un film tout en tension insoutenable (qui est qui ?) tout en révulsant l'estomac du spectateur sans que ces deux formes de "fantastique" peu conciliables ne s'annulent mutuellement, et d'autre part éloigner rapidement "The Thing" du jeu de détective façon "Dix Petits Nègres" pour le faire basculer dans une folie furieuse qui puisse justifier l'apocalypse des dernières scènes, et - pourquoi pas - le rire fatigué de Kurt Russell qui clôt le film, lorsqu'il réalise que nulle victoire n'est possible. Sinon, bien entendu, la mise en scène est magistrale, d'une froideur absolument pertinente, la musique de Morricone parfaite, et Kurt Russell est un jeune dieu. [Critique écrite en 2016]