L'art de rendre (très gentiment) hommage à une œuvre culte

« L’habitude la plus détestable dans le cinéma moderne c'est la notion d'"hommage". Je n'ai plus du tout envie d'aller voir un hommage dans un film, il y en a déjà beaucoup trop qui le sont de manière inconsciente. »

-Orson Welles lors d'une interview dans une école de Cinéma de Paris, 1984

Avec cette citation d'Orson Welles, nous voici face à une vision du cinéma moderne qui représente bien pour moi toute cette flopée de remakes et reboots basés sur des films cultes, et qui essayent de faire plaisir aux fans de la première heure en jouant la carte de l'"Hommage", sans pour autant en faire un film spécialement réussi et qui se démarque de l’œuvre originale en apportant des nouveautés. Malheureusement, la version de The Thing de 2011, réalisée par Matthijs van Heijningen Jr., ne s'affranchit pas non plus de cette fameuse règle du remake-hommage sans grande utilité.

Avant d'expliquer en détail mon point de vue sur le film de 2011, je tiens à dire que je suis un immense fan du film original The Thing de John Carpenter, sorti en 1982. C'est clairement mon film d'horreur préféré et il fait partie du panthéon personnel de mes films cultes. Donc autant vous dire qu'avant de voir la version de 2011, j'avais très peur du résultat. Et du fait de mes attentes vis-à-vis du film qui n'étaient pas très élevées, j'ai finalement été agréablement surpris du film en lui-même et je dois avouer avoir plutôt apprécié. Évidemment, ce film-là n'arrive pas à la cheville du chef-d'œuvre qu'est le film de John Carpenter, néanmoins ce n'est pas si mauvais que ce qu'on aurait pu penser malgré de nombreux aspects assez problématiques.

Tout d'abord, un des problèmes les importants du film est son postulat de départ par rapport à l'œuvre originale. Il s'agit d'un préquel de l'original dont l’intrigue se déroule quelques heures avant celle du film de Carpenter, et où (comme dans l’orignal) l'on suit un groupe de chercheurs en Antarctique, cette fois-ci des norvégiens avec comme collaborateurs deux autres chercheurs américains interprétés par Mary Elizabeth Winstead et Joel Edgerton (histoire d'avoir deux têtes d'affiches anglophones). Tout comme dans le film original il vont devoir survivre face à ce fameux extraterrestre, cette fameuse "Chose" qui a la capacité de prendre la forme de n'importe quel être vivant, et qui représente une véritable menace pour l'humanité. S'en suit alors une chasse à la sorcière comme dans le film original.

Déjà, pour un "soi-disant préquel", on remarque immédiatement que le scénario est exactement le même que celui de l'original. On est alors face à un remake déguisé qui se contente de souligner sa fonction de préquel pour se donner une légitimité. Donc forcément le scénario n'est pas spécialement original mais pourquoi pas, voyons ce que le film nous réserve d'autre malgré le fait que le scénario soit très prévisible.

Ensuite, ce qui est assez dommage, c'est que là où le film de Carpenter nous proposait une vraie réflexion philosophique et nihiliste sur l'humanité, sur la condition de l'homme et qui allait bien au-delà de son simple statut de film d'horreur, le film de Matthijs van Heijningen Jr. n'effleure même pas les thématiques puissantes qu'il y avait dans l'original et se contente de faire un slasher générique comme on en a vu des dizaines auparavant.

Par conséquent, je trouve ça vraiment dommage que le scénario soit raté et pas très abouti dans son propos, car pour le reste je trouve qu'il y a encore de bonnes choses à sauver.

Bien que le film ne soit pas très effrayant et que la production design soit assez proche voire un peu trop fidèle au film de Carpenter, l'ambiance générale et l'atmosphère qui se dégage du film est plutôt efficace, le rythme fonctionne assez bien, le film va vraiment à l'essentiel dans ce qu'il veut montrer et reste quand même assez angoissant et prenant à suivre. D'ailleurs le point qui m'a étrangement le plus impressionné est celui des effets spéciaux. Parce que quand même, passer après les effets spéciaux mécaniques absolument fous et intemporels de Rob Bottin, c'est déjà un paris assez risqué, mais j'ai trouvé le résultat vraiment appréciable, avec ce mélange entre effets de maquillage et effets numériques qui fonctionnent vraiment bien, même si à voir aujourd'hui ça a peut-être pris un petit coup de vieux.

Enfin, au niveau des acteurs je trouve ça assez audacieux pour un film d'horreur américain de ne choisir presque que des acteurs norvégiens qui parlent norvégien pendant tout le film. Et puis, le film ne joue pas la carte des têtes d'affiches ultra "bankable" puisqu'on a Joel Edgerton et Mary Elizabeth Winstead qui sont les deux têtes d'affiche. Personnellement j'ai trouvé que le personnage de Joel Edgerton était assez plat, l'acteur fait plutôt bien le taf mais son rôle est assez oubliable. Par contre, ça m'a fait très plaisir de retrouver Mary Elizabeth Winstead, une actrice que j'adore et qu'on ne voit malheureusement pas assez à mon goût. Son rôle est très classique pour un film d'horreur mais est vraiment bien joué, on sent qu'elle est vraiment investie dans son rôle et s'y donne à fond. D'ailleurs ce film-là est encore une fois la preuve que si on la surnomme la "Scream Queen" du 21ème siècle, ce n'est clairement pas pour rien.

Au final, The Thing 2011 est un film assez dispensable qui m'a plutôt laissé sur ma fin avec un sentiment d'inachevé, mais qui reste néanmoins assez sympathique à regarder et qui a eu au moins le mérite de me donner envie de replonger dans le film de Carpenter, ce qui n'est finalement pas si mal.