Hirokazu est un cinéaste impressionnant. Peu importe le matériau de base, il parvient à transcender son sujet pour se concentrer sur l’Homme. L’humain, qui a le droit fondamental de ne pas être jugé sur son apparence et ses actes, qui a le droit d’être compris. Pour Hirokazu, les individus, tout aussi différents qu’ils soient, sont semblables sinon égaux. Et ils ont une myriade de choses à raconter.
The Third Murder est particulièrement représentatif de cette obsession du réalisateur de l’étude de l’humain. son personnage principal est un avocat qui est au départ mû par la simple volonté de gagner un procès pour son client, puis, se prend de passion pour lui et cherche à le comprendre.
L’oeuvre n’est de fait pas un énième “film de procès“ (1) où l’accent est mis sur les scènes du tribunal, où toute scène en dehors de ce dernier n’est qu’un ressort scénaristique. Ici, la culpabilité de l’inculpé ne fait pas doute - d’autant plus pour le spectateur, qui a vu le meurtre en ouverture… à moins que..? - et c’est bien le ‘pourquoi’ qui passe avant le procès.
Les scènes se déroulant dans la salle du procès sont sporadiques, brèves et factuelles, comme si le réalisateur avait à coeur de rappeler que ce n’est pas ce qui devrait intéresser le spectateur.
Progressivement, on prend conscience de la complexité d’un crime, de l’état d’esprit son auteur et de ce qui l’entoure ; la dichotomie légale ‘coupable / non-coupable’ est rendue caduque par la situation. En définitive, après avoir avoir disséqué l’affaire pendant 125 minutes - au cours desquelles de nombreuses versions seront avancées puis retirés - l’avocat joué par Masaharu Fukuyama et le spectateur n’auront même plus de certitudes sur la notion de crime. Ce n’était de toute façon pas ce qui importait.
The Third Murder est en quelque sorte l’anti-Memories of a Murderer (il a la même ampleur psychologique, et la même façon d’aborder l’enquête comme une succession de chemins multiples dans lesquels on est toujours à l’arrêt) : plutôt que de chercher le meurtrier, on cherche l’humain.
The Third Murder est un film important.
(On y retrouve avec plaisir Lily Franky et Masaharu Fukuyama, habitués de l’univers du réalisateur.)
(1) : genre où rappelons-le, on n’a pas fait mieux depuis Anatomy of a Murder (Otto Preminger, 1959)