Pour une fois, le titre Anglais de cette production de 1991 a été habilement choisi. The Tigers fait ainsi référence au groupe de policiers présentés dans le film mais également à sa distribution, réunissant au grand complet les fameux « 5 Tigres de la TVB » (nom donné au groupe composé d'Andy Lau, Felix Wong, Ken Tong, Miu Kiu Wai et Tony Leung Chiu Wai). Le responsable de cette réunion unique sur les grands écrans et Ô combien commercialement prometteuse, c'est le rusé Eric Tsang à la carrière de metteur en scène un peu oublié par rapport à son métier d'acteur. A cette combinaison déjà étonnante, The Tigers ajoute une poignée de second rôles talentueux (Leung Kar Yan, Chen Kuan Tai, Yammie Nam...) et une équipe technique de haut niveau (rien de moins que quatre chorégraphes prestigieux, James Yuen au scénario, Jingle Ma à la photo...). Dans ces conditions, on ne peut que s'attendre à un très bon morceau de pellicule. De telles attentes aboutissent souvent à une déception et c'est le malheureusement le cas pour The Tigers. Pourtant, si l'on met un peu de côté la fiche technique pour se concentrer sur le film même, la réalisation de Tsang possède des qualités à faire valoir.
Polar dramatique, The Tigers est produit alors que l'exploitation forcenée du succès d'A Better Tomorrow s'achève à peine. Durant la décennie qui suivra, le polar restera un genre populaire mais sans disposer de véritable locomotive entraînant une vague déferlante d'imitation (tout au plus peut on parler de sous genre concernant les films de S.D.U. et les productions Milkyway). C'est pourquoi, le polar HK des années 90 est moins facile à caractériser que ses alter ego des années 70/80. The Tigers ressemble ainsi à une synthèse des grands thèmes du polar Hong Kongais de l'époque précédente. On retrouve le côté noir et désespéré d'œuvres comme Cop Killer ou Long Arm Of The Law, les concepts de loyauté et une pincée d'action flamboyante à la John Woo ou encore l'ambiance de paranoïa d'un Tiger Cage.
Ce mélange de style aurait pu être difficile à combiner en un tout cohérent, pourtant le script de James Yuen et Nam Yin y parvient adroitement. Tout repose sur l'utilisation logique et jusqu'au boutiste du concept de départ, celui d'un groupe de flics, amis dans la vie, bouleversé suite à l'acceptation par une partie d'entre eux d'un important pot de vin. La progression dramatique qui en découle est inéducable : D'abord décrits comme d'authentiques amis, la corruption va servir de détonateur dramatique menant à une déchirure du groupe sous les pressions internes (les propres doutes des corrompus) et externes (l'I.C.A.C. et l'action du corrupteur). Ce cheminement est bien décrit grâce à un travail sérieux de développement des personnages. Il y a bien quelques facilités de ci, de là (Tony Leung qui ressemble trop à un sidekick comique de service) mais les personnalités décrites sont crédibles (bonne prestation générale des Tigres, surtout Felix Wong très concentré et Ken Tong déchaîné), voire attachantes pour certains Leung Kar Yan), et les événements auxquels ils sont confrontés sonnent vrai, tout comme la palette de sentiments qui les animent. En cela, le film d'Eric Tsang réussit son pari premier : Nous toucher en nous faisant partager les émotions contradictoires des divers protagonistes.
Un peu moins réussi est la description qui est faite de l'I.C.A.C.. Tsang est concentré sur ses personnages principaux et sa volonté de nous faire ressentir une certaine empathie pour eux aboutit à une simplification des méthodes de la police des polices. En somme, cette dernière devient les « méchants » aux méthodes limites (on est pas loin des techniques d'interrogation à la Danny Lee) alors que ce sont pourtant bien les Tigres qui sont coupables. Une approche simplificatrice qui limite, hélas, partiellement l'impact que pouvait avoir ce scénario prenant.
D'autres regretteront très probablement que The Tigers ne fasse pas davantage la part belle à l'action, le métrage ne proposant qu'une poignée de fusillades ou affrontements physiques (tous très correctement emballés). Mais il s'agit d'un faux problème. Ces séquences sont des continuations logiques du récit et participent à son évolution. Davantage d'action aurait été au détriment du drame alors que ce dernier est bien l'authentique cœur du film.
The Tigers ne mérite pas une place dans l'histoire des meilleurs polars en provenance de la ZES en raison de ses quelques simplifications scénaristiques. Il n'en demeure pas moins une œuvre solide, hautement recommandable.