On a lu un peu partout que The Town était un peu une version remise à jour de Heat, un film carré et bien foutu, à défaut d'être original, bien mis en scène, bien interprété, et servi par un casting mortel. En soi, c'est déjà un vrai accomplissement, de voir un acteur moyen aux choix de carrière désastreux se refaire une virginité en passant derrière la caméra. Ben Affleck prouve avec The Town que Gone, Baby Gone n'était pas juste un heureux accident. Son film est chiadé et procure un divertissement tout à fait honorable.
Par ailleurs, au-delà du polar chiadé et carré mais pas fort original, ce film est aussi un bien chouette hommage rendu à Boston & à son quartier de Charlestown, à tel point que la chronique de quartier est à mon sens plus importante que l'intrigue policière et que le vrai personnage principal de ce film, c'est Charlestown, et non Doug MacRay.
Le film s'ouvre sur deux cartons, un premier annonçant que le quartier de Charlestown est défini par un taux inhabituel de braquages de banques, le deuxième citant un habitant du quartier qui déclare "ce quartier m'a littéralement ruiné, mais je suis fier d'en faire partie". On l'a compris, l'identité de Charlestown, c'est ses braqueurs, et on nous invite à suivre certains d'entre eux, et à travers eux, les logiques de bas quartier white trash qui sont à l'œuvre, les mauvais garçons, la frangine en cloque à 17 ans, le fleuriste qui est réellement un parrain, le pointage en taule pour rendre visite à la famille, les barbeques de backyard, les rendez-vous au pub pour voir les Red Sox etc. Le tout avec un accent bostonien à couper au couteau. La caméra de Ben Affleck se fait assez contemplative dans ces moments-là, qui ne servent pas à faire de la simple exposition de personnages. Dans ce microcosme plutôt bien rôdé, les éléments perturbateurs ne sont pas les braqueurs, mais ceux qui viennent de l'extérieur: la police fédérale qui vient imposer une loi exogène au quartier (John Hamm!!!), et les bostoniens cossus, les "Toonies" venus de l'autre rive de la Charles River, acteurs de la gentrification d'un quartier populaire mais en réhabilitation, quitte à en faire disparaître l'âme originelle (Rebecca Hall, la jolie banquière qui vient d'arriver dans le quartier et qui, à mesure du film, s'intègre à sa population).
Donc voilà. Ce film, c'est aussi l'histoire d'une ville moderne et d'un quartier en lutte pour conserver son identité face à l'emprise de la métropole bostonienne. Ça donne lieu à des plans magnifiques sur la ville et à de vrais morceaux de bravoure (une course poursuite hallucinante dans les ruelles du North End).