Terrence Malick est l'exemple parfait de réalisateur à la fois adulé et dénigré aux extrêmes. Souvent incompris, cet homme mystérieux ne se prive pourtant pas de nous laisser interrogé après ses longs métrages, et "The Tree of Life" est probablement celui qui obéit le plus à ce système. Un récit atypique et grandiose sur un sujet aussi absolu que la vie, un film qui mérite amplement sa Palme d'Or.
En choisissant de raconter la vie ordinaire d'une famille américaine en nous plongeant dans son intimité quotidienne plutôt que dans des péripéties extraordinaires, le film adopte une narration qui renonce aux habituels codes scénaristiques. Pas d'unité de lieu, de temps et encore moins d'action, seulement des repères qui recentre le récit en cours de route : une maison, deux époques ( années 50 - époque contemporaine ). Le récit débute sur la mort d'un des fils de la famille O'Brien ( à un moment coincé entre ces deux époques ). En étant toujours habilement transposé d'une époque à une autre, on assiste au cheminement de la vie, les personnages en font l'expérience, ils la comprennent, mais peuvent aussi la remettre en question et surtout s'interroger sur elle. Tableau de l'existence et de l'au delà, le film peut parfois se retrouver pris au piège de son ambition, mais réussi toujours à s'en sortir avec l'aide de l'inattendu et grâce à un montage parfait.
Vient alors le point qui divise l'ensemble de la critique et du public : est ce que "The Tree of Life" est une oeuvre ésotérique ? A cela je répond non. Point besoin d'intellectualiser ce film, il suffit de se laisser prendre à l'art de la fugue de Malick. Grâce à une science du mouvement irréprochable, chaque plan capte l'essence de l'être et privilégie le geste à la parole. Le réalisateur maîtrise parfaitement son délire mystique, et nous offre l'une des scènes les plus impressionnantes dont le cinéma ait accouché jusqu'à présent : pendant 5 minutes ( et grâce à Douglas Trumbull, ayant déjà officié sur L'Odyssée de l'Espace de Kubrick ) , la caméra du génie nous emporte avec la grâce la plus totale vers l'espace afin de nous laisser entrevoir les origines de l'Univers sur fond du sublime Lacrimosa de Zbigniew Preisner.
L'erreur serait de prendre ce mélange métaphysique au pied de la lettre, car l'acte de Malick n'est pas de nous inculquer une vérité absolue sur la Création ou sur la finalité de l'existence, mais plutôt de nous laisser approcher l'au delà, car la force de l'art c'est sa capacité à faire en sorte que ce qui nous transcende soit à la portée de nos sens.