Premier film du réalisateur australien Justin Kurzel, "Les Crimes de Snowtown" est un film âpre, intense et éblouissant. Abordant frontalement les thèmes de l'abus sexuel et du meurtre dans une banlieue misérable où vit une famille déchirée par l'ennui et l'enfermement dans le cercle vicieux de la violence psychologique, le film ne laisse aucun répit à ses personnages, et à nous par conséquent.
Cette claque laisse sans voix après visionnage. Le long métrage impressionne par sa mise en scène, radicale. Alternant entre des gros plans tremblotant, vomitifs ; retranscrivant avec une précision chirurgicale cet espace oublié, morbide ; et des plans fixes inspirés du Danois Winding Refn qui cassent la linéarité du récit en y apportant une prise de recul, le film impressione par son réalisme omniprésent. Les couleurs froides et vives contrastent avec des tons sombres et anxiogènes, ce qui provoque davantage le malaise généré par les images. Pendant deux heures, des scènes immondes se produisent sous nos yeux ( le film ne contient que très peu de hors-champ ) et déclenchent une nausée instantanée. Kurzel à su capter les différents états de la matière, rigide ou flasque, en décomposition et maltraitée, et continu de déranger grâce à un environnement sonore impeccable : chaque coup porté devient viscéral, chaque mouvement déclenche un bruit sourd dans cet espace clos. Le film devient une oeuvre organique et concrète, une expérience sensorielle unique, loin de l'exercice de style auquel beaucoup de réalisateur s'adonne pour leur premier film. Ça transpire le sang, le dégoût et la peur.
De plus le film évite tout manichéisme grâce à ses deux personnages principaux. John, un mélange entre Pascal le grand frère et Jack l'éventreur, est détestable. Sans pitié, surtout sans morale, il applique sa justice à grands renforts d'eunuques, cependant, il se révèle aimant, protecteur et généreux avec ceux qu'il pense défendre. Jamie, un adolescent perdu entre sa famille et le néant, fait naître un sentiment étrange, paradoxal : à la fois incapable de se prendre en main et tout à fait conscient de sa situation, il ne se lamente pas sur son sort mais tente de s'en sortir en limitant les dégâts ( si vous voyez ce que je veux dire ). Le reste du casting ( entièrement composé d'acteurs amateurs ) impressionne par sa justesse, chaque interprétation est l'incarnation d'un corps tentant d'échapper à la décomposition.
Film éprouvant, "Les Crimes de Snowtown" l'est absolument, on en ressort davantage crispé, prisonnier de cette violence omniprésente qui suinte de chaque image. Ce premier film est un coup de maître.