A l'heure où le féminisme combat ardemment toute forme de discrimination sexuelle, il faut bien l'admettre : s'il y a un genre machiste au cinéma, c'est bien le cinéma d'horreur. Aussi, est-on agréablement surpris quand on s'aperçoit que The Velvet Vampire a été réalisé par une femme. Agréablement surpris, mais aussi un peu curieux : en effet, puisque le réalisateur n'est pas un mâle travaillé par son entrejambe, faut-il s'attendre à quelque chose de différent, de plus sensible, de moins rentre-dedans ? En partie, oui, mais le film met aussi en lumière autre chose : s'il y a encore bien des choses à améliorer en ce qui concerne l'égalité hommes/femmes, la connerie et le manque de talent, eux, semblent avoir été équitablement répartis.

Donc, The Velvet Vampire, ça parle d'un triangle amoureux débilos entre une teubé, un connard et une salope (que j'appellerai respectivement Bonne Poire, Queutard, et Marion Cotillard parce que ça me fait marrer de l'imaginer jouer dans ce film... oui j'ai honte). La formule est tellement éculée que rien que de le lire me donne des envies pas très catholiques à base de meurtre et de chatons. Bien entendu, comme on est dans une histoire de vampire, ladite salope (Marion Cotillard, donc) s'avérera beaucoup aimer le liquide corporel (rouge, le liquide, bande de dégueulasses). Je ne spoile rien, on le sait dès la première scène. C'est même la principale source de tension du film : ses motivations étant particulièrement floues, on se demande sans arrêt si elle veut vraiment pécho Queutard ou si elle le garde pour son quatre heure. Enfin, on est censé se le demander. Dans les faits, les personnages sont tellement mal branlées qu'on s'en fout.

Le synopsis se résume à Marion qui invite nos deux tourtereaux dans sa demeure pour mieux séduire l'entité mâle. Demeure qui, soit-dit en passant, est situé en plein milieu du désert, mais bon, ça n'a pas l'air d'inquiéter notre vampire outre mesure vu qu'elle se balade en plein jour sous un soleil de plomb (autant dire que niveau respect du folklore vampirique, on se situe au même niveau que Twilight, les loups-garous en moins). Par ailleurs, Queutard n'a pas trop l'air de s'inquiéter pour l'intégrité de son couple vu qu'il succombe directement, et sans aucun remord, au terrible charme tentateur. Quant à Bonne Poire, elle mérite décidément bien son surnom, vu qu'elle se doute de tout mais ne fait absolument RIEN pour empêcher tout ça. Le perso passif par excellence, voilà ce qu'il manquait à un tel scénario, modèle de prise de risque et d'originalité...

En fait on touche là au principal problème de The Velvet Vampire. Les personnages n'ont absolument pas été travaillés. Je ne dis pas seulement ça car ils sont caricaturaux au point de te faire passer Emmerich pour un fin psychologue : leurs réactions sont ABERRANTES, et ce, tout le long du film. A plusieurs reprises, leur humeur change du tout au tout entre deux scènes relativement proches temporellement (on panique => on est un peu inquiet). Leurs interactions sont limitées au strict minimum, au point qu'on filtre à plusieurs reprises la parodie involontaire. Sans compter que les acteurs sont TRES médiocres, incapables de délivrer ne serait-ce qu'une once de nuance, et qu'ils sont en outre encore rabaissés par le montage qui laisse parfois s'écouler une demie-seconde de blanc entre les répliques (ce qui donne l'impression que les persos sont sous lexomil).

Une scène, en particulier, résume d'une merveilleuse manière toutes les tares du film : il s'agit de la scène dite "du crotale" (ooooh, le crotale). Pour cette scène, notre couple ne se doute pas encore que Marion Cotillard est une boulimique des globules rouges. Ils sont allés faire un brin de tourisme avec elle, ils ont visité des grottes, des cimetières, et décident de s'arrêter près d'une maison abandonnée. Plutôt que d'explorer cette dernière, Bonne Poire décide de faire un brin de bronzette, pendant que Marion et Queutard en profitent pour comparer leur anatomie respective. Mais un serpent à sonnette s'approche peu à peu de Bonne Poire...

Quels est le problème ? A vrai dire, je ne sais pas par où commencer. Tout d'abord, il faut avouer que la scène n'est pas trop mal construite : on a droit à un montage parallèle entre les deux amants et l'autre dinde qui n'est pas trop mal foutu. Le serpent introduit un certain suspens, qui monte crescendo, pendant que de l'autre côté Queutard et Cotillard fricotent de plus en plus. Puis finalement, le serpent atterrit sur les jambes de Bonne Poire et la mord. Passons outre le fait qu'elle n'ait pas entendu notre crotale s'approcher alors qu'il faisait un boucan de tous les diables (ce qui, au passage, est une idée foireuse de plus : il aurait été beaucoup plus effrayant silencieux), le vrai problème vient après.

Bonne Poire, en apercevant le serpent, panique (jusque-là, tout va bien) et les deux amants, en entendant les cris, se précipitent vers elle pour l'aider. La scène étant construite comme un passage-clé, on peut penser que c'est à ce moment-là que Marion Cotillard dévoilera sa vraie nature (en laissant volontairement crever sa rivale, par exemple). Il n'en est rien : non seulement elle ne dévoile rien du tout, mais c'est elle qui sauve l'autre cruche en aspirant le poison. Mais alors, quel est l'intérêt de cette scène ? Peut-être, tout simplement, d'affaiblir le personnage de Bonne Poire, de le rendre vulnérable, de changer les rapports de force ? Raté. En effet, 2 scènes plus loin, la voilà toute fraiche et pimpante, qui se lève pour aller gambader sans aucune trace de l'incident.

Je répète donc : QUEL EST L’INTÉRÊT DE CETTE SCÈNE ?!!

J'ai choisi cette scène car elle est symptomatique de l'écriture à deux niveaux du film : on nous fait miroiter des événements terribles et dévastateurs, mais de l'autre côté, il ne se passe rien qui affecte les personnages de manière durable, et pire : on évacue sans gêne les différents événements qui se sont passés (oui, car en plus, il ne sera plus jamais question de la morsure du crotale). Tout ceci nous donne l'impression que le film n'a pas été construit sur un scénario décent mais sur un cadavre exquis tant la cohérence n'est jamais au rendez-vous. Non, en fait, c'est pire que ça.

En effet, le film présente la particularité d'alterner des scènes intégralement nulles et d'autres intrigantes, avec quelques bonnes idées voire même, soyons fous, un peu réussies. Ce qui m'amène à penser que la réalisatrice avait imaginée certaines scènes, ou certains plans, et qu'elle a brodé tout autour une histoire brouillonne qui n'avait aucun autre but que d'intégrer lesdites scènes ou lesdits plans. Si ça peut marcher sur certains passages, comme par exemple les scènes de rêves qui ne nécessitent pas une grande cohérence (d'ailleurs celles du film sont assez kitschouilles mais sympa), c'est une toute autre paire de manche lorsqu'il faut les intégrer à un récit entier. On en arrive même à un film qui brise sa propre logique interne, comme cette scène où Marion Cotillard craint subitement le soleil, alors qu'il n'en était pas question jusqu'à présent ; tout ça parce que la réalisatrice voulait à tout prix mettre son plan avec des rayons de lumières qui apparaîtraient de derrière une croix.
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le 12 août 2014

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