Premier long métrage de Siegel, et quel film !
On ne saurait pas dire, en effet, qu'il s'agit là de son premier long métrage dans la mise en scène est maîtrisée, sans aucune ambiguïté, sans aucun mauvais choix. La photographie est léchée, avec de belles compositions et un jeu de noir et blanc digne des plus grands films noirs. Les acteurs sont top. Bon, j'aime beaucoup Peter Lorre, ça aide beaucoup (depuis sa voix nasillarde jusqu'à son langage corporel très naturel et la folie qu'il arrive à y faire passer sans que cela soit inconvenant). En face, un Sidney Greenstreet aussi irréprochable. Et puis des décors qui rappellent que l'expressionnisme n'est pas mort et une musique qui sonne le glas au bon moment.
La narration est tout aussi ingénieuse. En soi, l'histoire n'est jamais qu'une enquête, mais le traitement me plaît. C'est un peu comme les vieilles histoires de détectives, où l'enquêteur pose ses petites questions le plus normalement possible, alors que c'est parfois très impoli. L'humour est d'ailleurs fort présent au travers des dialogues et des personnages. Le duo de héros fonctionne très bien, déjà pour les acteurs qui se complètent parfaitement, mais surtout pour leurs personnages bien construits. C'est d'ailleurs ça qui sauve le film du retournement de situation final, le genre de twist dont je ne suis vraiment pas friand, et qui passe pourtant ici très bien ; pourquoi ? parce qu'il y a autre chose autour de ce retournement, et puis en même temps, tout semble logique grâce à la construction de ce personnage. La conclusion est assez sombre, pessimiste, folle, radicale. Mais c'est tellement bon.
Bref, un polar bien ficelé dont on retiendra surtout les personnages et une mise en scène maîtrisée de bout en bout par un jeune réalisateur qui ne sait pas encore que son nom sera retenu dans les cahiers d'histoires du cinéma.