Il est de bon goût de toujours prendre Shyamalan à rebrousse-poil, mais je sais pas, moi j'ai une affection toute particulière pour lui, une affection ancestrale dont je n'arrive plus à circonscrire l'origine.
Alors j'étais toute disposée à aimer ce film, et ça a fonctionné.
Deux ados vont rendre visite à leurs grands-parents qu'ils n'ont jamais vus, leur mère étant fâchée avec eux depuis qu'elle est partie de la maison étant jeune. A l'occasion de cette première rencontre, la jeune soeur va réaliser pendant toute la semaine un documentaire familial qui se trouve être le film que nous sommes en train de regarder. Sauf que les deux vieux, eh ben ils font des trucs bizarres, voire inquiétants...
Fiou, j'ai traversé tous les panels d'émotion, stress intense, larmes, rire... Les personnages des deux ados sont très attachants parce que plein de gouaille, et dans une relation frère-soeur bien écrite, réaliste et crédible. Mention spéciale pour le jeune acteur Ed Oxenbould, petite canaille qui nous pose quelques raps bien sentis, et qui habite son corps avec une créativité admirable.
A côté de ça, papy et mamie sont quant à eux too weird pour être vrais, ce qui crée un contraste d'autant plus saisissant avec le réalisme des deux jeunes. Shyamalan a l'intelligence et l'instinct du cinéma, et parvient à nous transmettre l'étrangeté de la situation dès les premières minutes de la rencontre : plan du silence dans la voiture, plan rapproché sur la cuillère en train de remuer la pâte... Les enchaînements, le rythme, le léger décalage dans les répliques, tout contribue à ce qu'on se sente mal à l'aise en permanence.
Et puis il y va, Shyamalan, il nous les montre, les trucs qui font flipper, ça va, on est là pour ça, hein ! Et puis on lésine pas sur les tabous, vas-y la nudité, vas-y le caca, c'est bon, on va pas faire semblant. Ca monte tellement vite d'un coup, d'ailleurs, qu'on se surprend à compter les jours restants à chaque fois que la date apparait en lettres capitales rouges au lever du jour.
La fin, ou plutôt la succession de fins, est parfaite :
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on a le dénouement de l'intrigue principale avec le sauvetage des ados, avec cette séquence magnifiquement filmée à ras des personnages, et cet intense "Je suis là, je suis là, je suis là", répété par la mère qui les retrouve enfin ;
on a la séquence "interview" de la mère plus tard qui révèle ce qui s'est réellement passé avec ses parents, avec une mise en perspective de la toile de fond du film : les relations familiales, les non-dits, la transmission des névroses parentales aux enfants... Et cette morale toute bête qui arrive au moment où on est émus : "Ne t'accroche pas à la colère" ;
et on a le petit clin d'oeil avec le rap final qui transforme l'expérience traumatisante en grosse blague, et qui dédramatise les événements de manière intra et extra-diégétique"""
En bref, un film intelligent, brillamment écrit tant du point de vue de la dramaturgie que des dialogues, de très belles couleurs, un gros fuck aux codes du found footage en misant sur une bonne qualité d'images et des cadrages soignés, une ambiance épaisse, inquiétante, et à la fois aérée au bon rythme... J'ai adoré !