Marie Kondo l'avoue d'elle-même : sa passion pour le rangement est avant tout l'une de ses plus anciennes névroses. "La magie du rangement" a beaucoup apporté à mon quotidien, bien que sa lecture à proprement parler ait été une torture.
La méthode "Konmari" se développe en deux parties, d'abord le tri, puis le rangement. La règle du tri est simple : après avoir rassemblé tous les objets de son chez soi par catégories, s'en saisir l'un après l'autre et ne garder que ceux qui nous procurent de la joie. La règle du rangement est tout aussi épurée : rassembler les objets par catégorie, et décider sciemment une bonne fois pour toutes de la place qu'ils occuperont dans la maison.
Cette approche radicale permet à celui qui la met en application de considérablement désencombrer son intérieur, et de créer un effet de renouveau mental qui peut être salvateur. Elle engage également a priori à en finir avec le désordre chronique, grâce notamment à la mise en place de nouveaux rituels.
Le livre de Marie Kondo est insupportable à lire, mais son contenu, pour peu qu'on se le réapproprie, reste drastique et très efficace pour quiconque aspire à vivre chichement, entouré de peu et le moins encombré possible. Et je précise le profil à qui ce livre s'adresse sciemment : il faut se sentir proche de ce type de philosophie de vie, surtout au contact d'un bouquin qui revendique aussi fort sa culture d'origine.
Je dis qu'il est insupportable, d'une part pour le ton archétypal du marketing que la Japonaise emploie, à base de "cette méthode va révolutionner complètement votre vie", "vous n'en croirez pas vos yeux" ou encore "certains de mes clients ont réussi à perdre 20kg après avoir suivi ma méthode de rangement". Elle rappelle à chaque page combien le monde a été dans l'erreur jusqu'ici, jusqu'à ce qu'elle, Marie Kondo, découvre la vérité. C'est bien peu modeste, et de surcroît curieusement hystéro-naïf, je suis plutôt contente de l'avoir lue plutôt qu'entendue à dire vrai.
"La magie du rangement" montre aussi ses limites dans l'apologie étonnante de l'acte de jeter. Il n'est fait mention à aucun moment d'un possible recyclage ou d'un don, hormis peut-être le don aux proches qui est lui-même banni et considéré comme une pollution d'autrui. Et on comprend d'ailleurs pourquoi jeter semble plus pertinent dans le cadre de la méthode Konmari : l'auteure recommande un changement radical et ultra-rapide, deux ou trois jours tout au plus, pour ne pas laisser s'installer le fameux "effet rebond".
Personnellement, j'ai appliqué cette méthode régulièrement depuis trois semaines, et j'ai pu constater un changement d'habitudes de ma part et une vraie tendance à ranger immédiatement sans procrastiner (ça relève plutôt du miracle dans mon cas). Je prends le temps de projeter mes nouvelles envies d'aménagement et de les mettre en oeuvre en essayant d'échapper à une forme de pression à laquelle m'a exposée le début de ma lecture. Ranger chez soi et s'activer pour son bien-être est certes euphorisant, mais cela peut également être anxiogène quand on fait face à une contrainte temporelle qui exige de la disponibilité, voire de l'obsession. Je reviens donc à la première phrase de cette critique : Marie Kondo expose dans cette oeuvre sa meilleure thérapie dans le cadre de sa névrose. On peut y piocher de bonnes idées, car il y en a, mais appliquer ce bouquin comme on suivrait un dogme me paraît insensé.