Si renaissance il y a, Shyamalan la doit à Blumhouse. Lorsque l'on est en contradiction avec les vents dominants autant épouser de nouvelles méthodes de production aussi inconfortables soient-elles. Première étape d'un retour commercialement triomphal, The Visit se réclamerait être la pierre angulaire de tout l'édifice du cinéaste Indien, Old inclus. La raison ? L'essentiel du cinéaste y est concentré sur 90 petites minutes. Un coup de génie monnayé avec seulement cinq petits Millions de dollars hors marketing mais qui va rapidement démontrer que le Champ d'action offert par Blum est beaucoup trop étroit pour l'envergure d'un auteur aussi créatif que Shyamalan. Une expérience grisante mais frustrante en tout point.


Le found footage, sous genre formel en adéquation avec son époque et sa génération de Geeks aura eu son petit lot de réussites. Un dispositif futé plus souvent assimilé à un gadget qu'à un réel support narratif. Le porteur de la caméra, oeil témoin des évènements agrippé à sa vidéo durant les scènes de trouille mettait un drôle de coup à la suspension d'incrédulité. The Visit, a, de son côté, le mérite de bâtir une thématique sur la jeunesse connectée sur fond de choc des générations. L'utilisation ad nauseam du matériel video via les plateformes trouve sa raison d'être surtout lorsque le spectateur découvre le lieu où se déroulera l'action : Une maison enneigée et isolée au coeur de la Pennsylvanie, fief du cinéaste.


Passé au tamis les multiples filtres de "la production Blumienne", The Visit en comporte toutes les caractéristiques à commencer par une photo laiteuse et fonctionnelle très en accord avec l'environnement hivernal. Une micro durée à effets de surprise concentratifs pour éviter de piquer un roupillon et une texture digitale pour contourner le coût prohibitif de l'argentique. De ces paramètres castrateurs de flux créatif, Shyamalan va en tirer une moitié extrêmement satisfaisante où la majeur partie de son cinéma va être exploitée avec ostentation sans le raffinement de ses débuts. Peu importe l'entrave budgétaire, ce petit geste pop à demi réussi emballe le spectateur lambda mais pas le "Shyamalanien accompli".


Redécouvrir The Visit à l'aune de son petit dernier Old tout en mettant en perspective les quatre majeurs Sixième Sens - Incassable - Signes - Le Village, c'est comprendre que Night continue d'explorer sa fibre artistique en la déclinant sous une forme nouvelle et à une échelle économique réduite au deux tiers. Au travers du travestissement du found footage, le cinéaste explore ce qu'il a toujours mis en image depuis son entrée sur la scène internationale du divertissement : la fracture de la cellule familiale et les liens du sang pour les valeurs mais aussi son exploration des couches de fiction par le truchement de la mise en abime.


Le terme de mise en scène aujourd'hui galvaudé par les utilisations fantaisistes trouve sa définition dans l'approche personnel de l'auteur de Signes ce qui en constitue les vertus majeurs de ses films. Façonnés comme des expériences mettant en scène des personnages imposant une autre réalité à un tiers, les films de Shyamalan fonctionnent comme un paravent fictionnel pour servir un but politique (Le Village), artistique (La Jeune Fille de l'eau) ou tout simplement abstrait à l'insu ou avec la connivence du public. The Visit fait à son tour partie de la petite famille des longs métrages du cinéaste appartenant à la branche du simulacre de la réalité. Les outils numériques permettent à Tyler et Rebecca d'imposer leur univers à "leurs grands Parents" en les faisant participer en tant que comédiens à leur film de vacances ou en dissimulant un oeil numérique sur une étagère de la salle à manger afin d'espionner leurs faits et gestes. Il y a une idée de cinéma vérité qui sert le propos du found footage et qui permet de faire entrer les seniors dans une réalité très actuelle en les obligeant à révéler des détails personnels de leur vie. C'est aussi en jouant le rôle de personnes défuntes que le couple d'octogénaires (dont on découvrira le passé traumatique) fait basculer les deux ados dans une dimension fictionnelle basée sur le mensonge et la reconstitution à l'image du twist du Village. Chacun tente de découvrir le jeu de la partie adverse. Les connectés contre les isolés, la foi contre le mensonge, la volubilité contre le mutisme, le modernisme contre la rusticité...


À servir les visées artistiques de Blum, Shyamalan en oublie la fantastique richesse thématique de son bébé. Ainsi les rushes recueillis sur la caméra numérique de Rebecca ne sélectionnent que très peu de moments intimes entre les deux générations. Un élément qui aurait pu, dans une narration classique, servir au mieux les interactions entre les personnages. L'objectif du cinéaste étant de gagner la confiance de son spectateur en contournant tout le décorum fantastique dont Hollywood se gave depuis une bonne quinzaine d'années. La ferme conviviale enneigée, le feu de cheminée, la rusticité des meubles et le four à l'ancienne installent une atmosphère de Conte dans le plus pur style des Frères Grimm complètement à contre courant de la greffe gothisme/Pavillon de banlieue pour trentenaires dont James Wan semble être l'agent immobilier à chacun de ses films de trouille. Il y avait donc un véritable sillon horrifique à aller creuser dans ce mécanisme de la peur basé sur l'opposition entre l'empathie et l'appréhension du public auprès du troisième âge. Ce trouble immédiat, d'ailleurs, amplifié par un authentique diagnostique de la démence, celui de l'état crépusculaire qui transforme à la tombée de la nuit une bonne petite grand mère en sorcière nue grattant le parquet de ses ongles.


Paralysé par ses obligations formelles, The Visit entrevoit à peine son incommensurable potentiel sur le genre. Shyamalan est un cinéaste du point de vue et du ressenti qui interroge son spectateur non pas sur l'inquiétude d'un personnage perdu de nuit dans un espace clos ou face à une entité maléfique mais sur un état rationnel et très humain entremêlant la peur et la tristesse. Derrière la farce, The Visit tente de retrouver cet essence cinématographique si chère à l'auteur de Sixième Sens. En vain.

Star-Lord09
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le 25 août 2021

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