Sur le trajet familier du retour des classes, l’averse bruineuse de la saison des pluies marque la naissance de l’été. À l’ombre des trains fugitifs, pieds nus obombrés sous le toit d’un abri de fortune, perdus sous la toile de cordage des pylônes et des mâts, chaque scène se vit comme un souvenir. Les mémoires d’un été idyllique de promenades indolentes : beau car éphémère, fantasmé comme éternel. Une romance morte-née de l’incompréhension de ses personnages : incapables de se quitter, sans s'être jamais rencontrés. Alors quand Mikako annonce son départ pour la guerre, cette fragile harmonie prend fin.
Les dialogues de silence font place à des échanges de mails stériles. Mikako et sa traversée du système solaire, Noboru et son quotidien au lycée. Une nouvelle routine s’installe, calme, creuse. Lentement, la distance qui les sépare s’accroit. Les messages prennent de plus en plus de temps à parvenir. À chaque saut, Noboru vieillit pendant que Mikako reste une adolescente. La dysharmonie de l’été devient littérale : au-delà des distances inhumaines, ils ne vivent simplement plus dans le même temps.
La dilatation des communications finit par les rendre impossible. Les trains ne passent plus sur le trajet familier du retour des classes, la neige a remplacé la pluie, et le cordage des pylônes disparaît sous la brume hivernale. Ne reste plus que l’éloignement existentiel de deux personnages trop conscients de s’être croisés sans s’être rencontrés. Des réminiscences de senteur d’asphalte après l’averse, la blancheur des nuages d’un ciel d’été, ou l’odeur de craie des vieux tableaux de classe.
Makoto Shinkai est un réalisateur obsessif. Chacune de ses créations est une variation du même mythe. L’inéluctable séparation de ses protagonistes les isole dans la mélancolie d’un temps qu’ils n'ont pas su saisir. Peu à peu, ces mémoires les rapprochent, surmontent le profond décalage qui les séparait. Mais il n’y a pas de dénouement facile, pas de résignation gratuite. Pour revoir l’autre, il faut accepter de l’avoir perdu.
Et c’est en se retrouvant intérieurement, enfin, dans ces souvenirs communs, au-delà des communications, à quelques milliards de kilomètres et une poignée d’années près, que The Voices of a Distant Star se conclue. L’acceptation d’un deuil dont on n’aura vu qu’une longue étape de dépression, la romance post-mortem d’une banale occasion manquée. Réunis dans la nostalgie commune de leurs mémoires passées, le décalage qui les isolait s’efface ironiquement. En harmonie comme jamais, séparés pour toujours.