Si vous aimez le film sympa du dimanche soir, fuyez The War Zone comme la peste ! Mélo familial trash, sec comme un coup de trique, ce premier long métrage de l’acteur Tim Roth n’est pas seulement bouleversant, il est aussi profondément dérangeant. Comme peut l’être le cinéma d’un Lodge Kerrigan, par exemple, l’aspect expérimental en moins.
Le cœur du film, c’est une relation incestueuse entre un père et sa fille, en bord de mer dans la campagne anglaise. Sujet hautement casse-gueule. D’autant plus que le réalisateur n’évite rien (du climat tourmenté en symbole du microcosme familial aux ressorts dramatiques ultra glauques), et surtout, il montre tout ; mais sans que cela soit à aucun moment voyeuriste ou complaisant. Sacré tour de force, qui doit beaucoup aux acteurs, bien sûr, mais aussi à la finesse de son scénario et à l’humilité de sa mise en scène.
The War Zone suit très scrupuleusement le schéma du drame classique : chaque minute qui passe est plus pesante que la précédente, et la descente en enfer se précise scène après scène, bien sûr inexorable. Comme seul point de repère dans ce tunnel à sens unique, des plans fixes sur la maison familiale, plans qui rythment le récit comme autant de chapitres. Excellent choix, troublant : car on sait que derrière la grande banalité de cette bâtisse est hébergée la plus grande des ignominies. Et, si l’histoire narrée par Tim Roth est aussi forte, c’est justement parce que ses personnages sont normaux, ordinaires. Un père en apparence aimant, doux, avec ses accès de colère. Jessie et son frère, comme la mère interprétée par Tilda Swinton, sont à l’instar du paternel : vivants, émouvants, sans pour autant être exempts de défauts. Ainsi, très intelligemment, le scénario n’a pas décidé de faire de Jessie une victime à part entière : elle est provocante, joueuse, menteuse, malhabile. Quant à son frère, renfermé, mutique, certainement jaloux du rapport qu’entretiennent ses parents avec l’arrivée récente d’un bébé, il est l’exemple parfait de l’adolescent irritant.
Tim Roth ne joue donc pas avec nos sentiments. Il les titille, les interroge, mais ne sollicite jamais la corde sensible, ne tire jamais les ficelles faciles. Tout simplement il respecte le spectateur. Malheureusement, à ce jour, le réalisateur n’a jamais réitéré l’expérience de la mise en scène.