Mélodies lointaines, voix enfantines, murmures et soupirs… Nous voici comme embarqués dans un sinistre conte, à accompagner les maudits dans l’hôpital des aliénés. Douce folie ou folie destructrice, impossible à déterminer, peut-être sommes-nous frappés par la folie également ? Enfermés dans les murs d’un hôpital sinistre au personnel peu accueillant, il nous faut découvrir le mystère qui hante The Ward, l’hôpital de la terreur.
Presque quarante ans après Dark Star, dix-sept films (réalisés pour le cinéma) plus tard, nous voici donc à la rencontre de The Ward, le dernier film réalisé par John Carpenter, le maître de l’horreur. Et que pouvait être The Ward sinon un film d’horreur ? Se déroulant dans un hôpital psychiatrique dans les années soixante, en huis clos, dans une ambiance austère et inquiétante, il contient bien tous les ingrédients qui permettent à Big John de s’exprimer à sa guise. Une austérité qui, d’ailleurs, contraste largement avec Vampires et Ghosts of Mars, décomplexés et explosifs, qui témoignaient d’une sorte de volonté du cinéaste de se libérer et de s’amuser. Ici, John Carpenter fait davantage preuve de sagesse, semblant revenir à ses fondamentaux, tout en voulant être dans un registre plus sage et sombre.
Le principal atout de The Ward, c’est sa culture du mystère. Tout semble avoir du sens et une certaine logique, bien que certains phénomènes demeurent difficilement explicables et s’avèrent être à l’origine de nos principales interrogations. Forcément, quelque chose se cache derrière, une vérité qui ne nous est pas montrée ou, plutôt que l’on ne peut voir en regardant en surface. L’utilisation d’un hôpital psychiatrique comme lieu où se déroule l’intrigue a souvent permis de créer ce genre d’intrigue à tiroirs, où des faits se déroulent, mais cachent une autre vérité derrière. On pouvait le voir depuis bien longtemps déjà dans Le Cabinet du Docteur Caligari en 1920, ou, en 2011 également, pour reprendre un exemple plus contemporain, dans Sucker Punch de Zack Snyder. C’est dans une volonté de sonder la complexité de l’esprit humain, déstabilisé par cette apparente folie ambiante, que The Ward tente de s’exprimer en mettant une image une réalité qui n’est peut-être pas si réelle que cela.
Et c’est dans la manière de procéder que The Ward s’avère le plus critiquable. Alors que John Carpenter avait l’habitude de développer des scénarios intelligents qui s’exprimaient tout au long de ses films, faisant de l’intrigue un squelette sur lequel se baser, ici, il mise sur un twist final pour désamorcer la bombe et livrer tous ses secrets. Un twist certes efficace, mais qui, après l’effet de surprise, génère une certaine amertume chez le spectateur. En effet, un twist bien mené restera toujours en tête et fait son effet, mais il ne peut justifier qu’un film s’égare dans diverses longueurs et dans un schéma linéaire préjudiciable à l’intérêt du spectateur envers le film. Car The Ward semble toujours mettre du temps à s’activer, à dévoiler ses atouts, et à captiver le spectateur. On sent, certes, la présence du cinéaste dans la manière dont le film est réalisée, mais il a moins d’espace pour s’exprimer, et le résultat donne un film plus ordinaire que ce que l’on a pu voir chez Carpenter.
The Ward n’est pas catastrophique. Tout de même bien pensé, il reste dans une véritable cohérence vis-à-vis du reste de la filmographie du cinéaste, avec ce mal latent qui menace, l’instabilité de l’humain, les dangers qui le guettent… où, cette fois, il s’intéresse à un mal plus intérieur qu’extérieur. Cependant, là où la plupart des films de Carpenter étaient équilibrés, constants et bien construits, The Ward fait davantage appel à un effet de surprise assez habituel et artificiel qui, certes, lui donne un certain crédit quant au message qu’il délivre et à la consistance de son scénario, mais qui lui donne aussi un côté plus artificiel et poudre aux yeux. John Carpenter s’est assagi, semblant moins enclin à consacrer son temps au cinéma, car le monde du cinéma l’a aussi peut-être trop laissé de côté. Peut-être, par chance, nous gratifiera-t-il d’un dernier baroud d’honneur dans le futur ? En tout cas, ses fantômes continueront à nous hanter pendant très longtemps encore…