Derrière la « Brenaissance », retour en grâce de Brendan Fraser et bijou de storytelling dont raffole les médias, que vaut The Whale, le dernier film de Darren Aronofsky ?
Dès l’introduction, l’exposition des enjeux de Charlie, professeur en état d’obésité morbide, nous fait l’effet d’un parpaing jeté en pleine figure. Nous voilà prévenu. Si on s’attendait un traitement aussi délicat que son sujet, Darren Aronofsky prend le contre-pied. Il accable son personnage, en le plaçant dans une situation dégradante dès sa première apparition à l’image. Par la suite, il ne nous épargnera rien pour figurer encore et encore la déchéance physique du personnage : nudité, crise de boulimie, moqueries, insultes…
Charlie nous est montré comme une bête de foire, comme une monstruosité à contempler entre effroi et pitié, constamment ramené à sa condition médicale par le dialogue ou les rebondissements. Le personnage n’échappe à son statut d’obèse que par l’évocation de son passé. Hélas celle-ci ne dépasse pas le niveau d’investissement d’un simple impératif narratif. Un biais fondamentalement validiste plane autour de le représentation de ce personnage obèse. Ajouté à cela une direction artistique lugubre qui pèse trois tonnes et on obtient un résultat des plus misérabilistes et obscènes.
The Whale ne convainc pas non plus par son intrigue. Trop de personnages et d’intrigues secondaires nous font chavirer sur les rives de l’ennui. Si encore l’exécution de ces intrigues était habile, or l’écriture du réalisateur de Requiem for a dream est d’un niveau étourdissant de médiocrité. Ne prenant pas la peine de dissimuler un tant soit peu ses intentions comme des indices à glaner, il transmet les informations en full-frontal, les expose de but-en-blanc. Les personnages crient leurs intentions. Même une analogie transparente avec la baleine de Moby Dick – référence tarte à la crème – nous est suriné par trois fois.
Il est effrayant de constater une écriture si littérale, généralement associée aux formes mainstream et grand-public (blockbuster, série TV), dans des films destinés à un public adulte (cf The Fabelmans). Quand Darren Aronofsky faisait du genre avec Black Swan, passe encore. On venait pour le frisson, pas pour la finesse. Mais pour un drame intime en huis-clos, cette articulation du sens crée un résultat absolument grossier. Qui plus est dans un récit arnaché à ce point aux règles de l'ordre narratif (le trauma, les personnages tous reliés, les twists...).
On passe le visionnage consterné, au bord de l’éclat de rire devant des personnages secondaires agaçants au possible.
Si d'aucuns pensait qu’avec Mother!, capharnaüm prétentieux, Darren Aronofsky avait touché le fond, il nous prouve ici qu'il sonde encore les abysses.