L'histoire du cinéma a de cela d'extraordinaire car elle donne l'impression d'être jamais défrichée ; qui connaissait réellement Jack Garfein ? Enfin polonais ayant survécu à plusieurs camps de concentration, il fuit vers l'Amérique en 1946 et va être l'auteur de plusieurs pièces de théatre, cofonder l'Actor's Studio et, à l'aide de son mentor Elia Kazan, va réaliser deux films qui vont attirer les foudres de la censure, au point qu'il ne sera plus jamais derrière une caméra pour se tourner vers l'enseignement.
Ce documentaire est très beau, visuellement parlant, on sent qu'un soin particulier a été donné à l'image, et il y a plusieurs intervenants qui illustrent la vie de cet illustre inconnu : Peter Bogdanovich, Irène Jacob, ou encore sa fille. Jack Garfein est également largement interviewé, à la fois en ballade dans New-York ou dans un entretien plus classique, avec une narration de Willem Dafoe. On sent à travers ses deux films, Demain ce seront des hommes et Au bout de la nuit, qu'il y a des réminiscences de son passé tragique, pour aller vers quelque chose d'audacieux pour l'époque, à savoir suggérer l'homosexualité dans l'armée pour le premier et le viol d'une jeune femme dans le second, ce qui lui vaudra bien des soucis. Garfein se livre sans détours, sur sa relation avec son ex-épouse Carroll Baker, et surtout sur sa drôle de jeunesse, pour paraphraser une autre époque tragique, où sa mère lui lâchera une phrase très dure qui aura une incidence sur le reste de sa vie. C'est clairement le portrait d'un survivant, qui se terre dans ses souvenirs, mais quelque part, je me dis qu'on a perdu peut-être un grand du cinéma.
La forme du documentaire est parfois décousue, car sa narration n'a rien de chronologique, mais total respect à sa réalisatrice, Tessa Louise-Salomé, d'avoir révélé en quelque sorte un homme de l'ombre de la culture américaine des années 1950 et 60.