Etant donné que j’aime bien l’univers de Sapkowski, notamment le 3ème volet des jeux vidéo qui découlent des romans, et que le personnage de Vesemir, le plus vieux sorceleur encore en activité, est parmi ceux que je considère comme les plus intrigants de la Saga littéraire et vidéoludique, je ne pouvais qu’être intéressé par un métrage traitant de ses origines et de sa jeunesse, qui plus est par un film d’animation.
Néanmoins, j’avais aussi beaucoup de craintes quant à la durée par rapport à tous les éléments que comptait aborder le film: comment bien raconter l’origin story de Vesemir et développer son personnage pour en faire la figure paternelle que l’on connaît aujourd’hui, aborder les mutations et les différentes épreuves, remontrer les histoires de racisme entre humains et sorceleurs et adapter le massacre de Kaer-Morhen en 1h20 ? Et le fait qu’il sert avant tout de produit bonus pour attendre la saison 2 ne me rassurait pas. Et mes craintes se sont avérées vraies…
Tout va trop vite dans le film. Je trouve que le passage du sorceleur cupide et orgueilleux au maître d’arme paternel et protecteur n’est pas assez développé. Son tournant majeur arrive quand il découvre que c’est son mentor qui est à l’origine de la multiplication des attaques de monstres pour gagner plus d’argent… Alors que le jeune "Vieux loup" ne semble pas avoir de morale assez forte (il laisse à son sort un enfant seul dans les montagnes après que ce dernier ait vu mourir ses parents d'une manière horrible). J'ai plus eu l'impression qu'il changeait parce que ça donnait raison à la magicienne qui voulait supprimer l'ordre des sorceleurs… donc quelque chose d'assez égoïste en soit. Je trouve aussi que la relation entre Vesemir et Lady Zerbst n'est pas développée: à aucun moment le facteur de la vieillesse n'est source de conflits entre les deux, ils acceptent facilement cet amour.
Outre les défauts d'écriture, le film a un très gros problème: le film de Netflix trahit le fondement même de l'univers pour s'adapter à un public américain. Là où les sorceleurs évoquent plus des cowboys dans des westerns spaghettis, errant de ville en ville sur des chevaux, en mettant à profit leurs aptitudes au combat pour gagner de l'argent en évitant de se mêler profondément aux autres, Vesemir lui ressemble plus à un super héros, figure par excellence de la culture américaine: son caractère et son apparence ressemble à ceux de Tony Stark et sa relation avec une femme du même âge qui elle subit les ravages du temps sur son visage n'est pas sans rappeler Captain America. Par ailleurs, l’animation de Nightmare of the wolf m’a rappelé celle des films d’animation Batman
Et c'est là que ça devient problématique. Premièrement, Vesemir pour correspondre à cette figure semble développer soudainement une morale paternelle en voulant empêcher coûte que coûte la fin de l'ordre tout en cherchant à faire le moindre de victime. Il me semble même que c’est le seul sorceleur a ne pas avoir tué de paysans. Deuxièmement, il est beaucoup trop fort pour qu'on ait peur pour lui alors qu'il ne faut pas oublier que c'est un univers de dark fantasy dans lequel les sorceleurs restent assez vulnérables par rapport aux monstres. Même si l’on sait qu’il est impossible que Vesemir meurt car il doit être présent pour la série, le rendre plus faible aurait permis de créer plus de tensions et donc rendre l’action encore plus désespérée.
Il faut cependant souligner la bonne idée qu'à eu le film par rapport à la puissance démesurée du mentor de Geralt. Vesemir, en étant trop puissant, ne peut que voir ses proches mourir avant lui dans la fin du métrage. Tout cela est sublimé par une sorte de réécriture du meurtre de la famille d'Hercule, où un être sur-puissant tue ceux qu'il avait juré de protéger à cause d'une illusion qui n'est que la conséquence des agissements d'un Zeus, un père exerçant une autorité sur ses semblables et aux actions parfois douteuses dont Deglan est le représentant.
Malgré cette fin pertinente, Nightmare of the wolf est en résumé un film de super-héros américain assez mal écrit et qui rompt avec ce qui fait le charme de l'univers de Sapkowski: la vulnérabilité de ses protagonistes, une morale grisâtre et des relations amoureuses difficiles.