Disons-le clairement, il n’y a rien de mieux qu’un documentaire sur l’univers des films : la cinéphilie dans toutes ses formes, son caractère social voire anti-social, la passion des cinéphiles et le méta du film en lui-même, pleins d’éléments qui font que je trouve ces documentaires souvent très intéressants et agréables.
Ce qu’il y a de formidable avec The Wolfpack, c’est que cet univers cinéphile est couplé à un portrait poignant d’une famille assez extraordinaire dans son genre, et plus particulièrement de la relation entre l’aîné et ses parents. Pour ces sept (il me semble) adolescents, les films agissent comme une fenêtre sur le monde, une fenêtre qu’ils savent bien sûr fictionnelle mais dont ils se servent afin de vivre au quotidien. Ils regardent des films, en écrivent tous les dialogues, construisent ou achètent des accessoires et vêtements puis rejouent les scènes.
Non seulement les jeux de l’enfance se sont prolongés dans le temps faute d’avoir d’autres activités, mais c’est surtout la présence d’univers infinis et riches qui leur ont permis de tenir toutes ces années cloîtrés chez eux. Un cloisonnement dû à l’idéologie de leur père, un rebelle anti-gouvernement radical, qui ne souhaite à la base que protéger ses enfants mais qui au final leur empêche toute socialisation. Leur mère partage globalement le même avis, mais avec davantage de compréhension et de laxisme.
Au niveau de la forme et du montage, le documentaire de Crystal Moselle est tout simplement impeccable : la réalisatrice ne pose quasiment aucune question sauf vers la fin du film et fait le choix judicieux de ne pas mettre de voix-off. Ainsi, les "personnages" vivent pleinement derrière la caméra, et le spectateur est laissé seul décideur de son propre avis sur l’éducation des parents et les différentes réactions des enfants, même si filmer davantage le père aurait apporter un autre point de vue intéressant. Pas d’influence extérieure, des choix de montage qui ne semblent pas être le résultat d’un parti pris évident : éthiquement, The Wolfpack est sans reproches.
Cependant, loin de rendre froid le documentaire, cette relative objectivité ne laisse pas de côté l’émotion ressentie par les membres de cette famille lorsqu’ils livrent des éléments de leur passé commun, plus ou moins heureux selon les souvenirs, sans pour autant aller dans le misérabilisme. Au contraire, ce qui rend le documentaire encore plus beau, c’est cet union entre les membres de la fratrie, qui peu à peu découvrent la réalité du monde extérieur.
Habillés de la seule manière qu’ils connaissent en référence aux mafieux de Reservoir Dogs, ils déambulent ainsi dans quelques rues malfamées de New York sous les yeux amusés des passants, à la recherche du monde. Un monde qu’ils trouveront tel qu’il est, à la fois terrible et merveilleux, qui probablement ne prendra jamais la place de celui qu’ils se sont construits, mais l’avenir est ailleurs. En attendant, nous, spectateurs, sommes témoins de cet éveil presque bouleversant.