La famille Laroque habite dans les Landes et dans ces années 1920 la jeune Thérèse est déjà promise à Bernard Desqueyroux, un garçon du cru. Dans ce riche milieu terrien la dot est l'atout de ce mariage. Thérèse est tout de même différente de beaucoup de femmes de sa région et de son époque: elle est rebelle et sait ce qu'elle veut. Toutefois elle épousera malgré elle ce fameux Bernard avec la bénédiction des deux familles voyant ainsi leurs patrimoines prendre du volume. Le mari est rustre, peu affectueux et très à cheval sur les traditions.
Thérèse essaie de se rebeller afin de sortir de ce carcan. Elle en viendra même à appliquer une méthode très radicale pour parvenir à ses fins; néanmoins les traditions restant solidement encrées dans ce milieu landais, la jeune femme va subir durement les conséquences de son esprit avant-gardiste et de sa révolte.
Nous sommes projetés dans ce monde de traditions dans lequel l'homme, la fortune et les terres règnent en maître. On s'épouse entre voisins de même condition. Tout est programmé dans le temps pourvu que la dot promise soit conséquente. Les deux familles ont toujours vécu dans ce climat où la femme n'est présente que pour satisfaire les caprices de son homme, lui donner de beaux enfants et un fils si possible.
Ainsi Thérèse devra vite oublier l'insouciance de son enfance lorsqu'elle courait dans les bois et rêvait d'amours tendres en compagnie de sa meilleure amie. Promise à un homme solide et autoritaire, son mariage va accentuer sa souffrance. Rabrouée pour ses idées et son comportement, blessée d'être le jouet de son époux, elle entre dans une phase de grande détresse mais on ne se sépare pas dans ce milieu très catholique et terrien, on reste ensemble coûte que coûte. C'est ainsi, lâchée de tous et même séparée de sa fille "embrigadée " par Bernard et sa famille, qu'elle trouve tout de même la force de se sortir de cette situation en essayant d'empoisonner son mari. Le fait est découvert. La famille étouffe tout et Thérèse sombre petit à petit dans la folie, dans l'anorexie, recluse dans une chambre éloignée de celle de Bernard. On pavoise alors, on montre son opulence et on fait croire que tout va bien, bref Thérèse n'est plus qu'un pantin que l'on déplace au gré des situations. Un voyage à Paris sera-t-il un remède à ce mal qui ronge cette femme éprise de liberté?
C'est ainsi que Claude Miller nous offrira sa dernière œuvre, une œuvre dure, noire et étouffante façon Claude Chabrol. En portant à l'écran ce roman inoubliable de François Mauriac, il prend la succession de Georges Franju qui en 1962 avait déjà offert une excellente version de ce drame. Claude Miller nous laisse une très bonne adaptation car il a su saisir cet univers singulier si bien décrit par l'écrivain. Le cadre, l'ambiance sont très honnêtement restitués d'autant plus que le réalisateur a réussi à s'entourer de très grands comédiens qui entrent parfaitement dans leurs rôles respectifs. Audrey Tautou est tout simplement saisissante de sincérité et nous montre avec bonheur l'une des facettes de son immense talent. On se souviendra longtemps de son interprétation dans les scènes très marquantes de dépression au cours desquelles elle nous offre une grande performance d'actrice. L'autre belle surprise nous vient de Gilles Lellouche tenant le rôle de Bernard Desqueyroux. Il est tout à fait crédible dans son personnage et ne trahit pas ce portrait d'homme sans concession, froid et parfois cruel si bien décrit par François Mauriac.
Après avoir vu ce film, je ne peux que remercier Claude Miller pour l'ensemble et la diversité de son œuvre. Il a su fort bien adapter ce roman dont le sujet reste d'actualité. Les mariages forcés sévissent toujours pour de soi-disant bonnes raisons et cela me fait penser à un texte du grand Jacques Brel décrivant "Ces gens là" :
"Faut vous dire, Monsieur
Que chez ces gens-là
On ne pense pas, Monsieur
On ne pense pas, on prie"
"Faut vous dire, Monsieur
Que chez ces gens-là
On n´vit pas, Monsieur
On n´vit pas, on triche"
"Faut vous dire, Monsieur
Que chez ces gens-là
On n´cause pas, Monsieur
On n´cause pas, on compte"
- "Parce que chez ces gens-là
Monsieur, on ne s´en va pas
On ne s´en va pas, Monsieur
On ne s´en va pas"
Je vous conseille cette réalisation ainsi que celle de Georges Franju , pour moi la référence, avec la grande Emmanuelle Riva. Je suis sûr que beaucoup d'entre vous passeront de très bons moments de cinéma et de littérature pour ceux qui veulent découvrir ou redécouvrir ce livre.