Au début des 50's, Marcel Carné se lance dans une nouvelle adaptation du roman d'Emile Zola (1867), la quatrième à l'époque pour le cinéma. Il décide d'actualiser le récit et de modifier quelques aspects de l'histoire. Ainsi, Camille Raquin est poussé accidentellement d'un train et non jeté à l'eau avant de se noyer. De même, Thérèse comme son amant ne sont plus hantés par le fantôme du mari, mais harcelé par un maître-chanteur prêt à tout pour se faire un peu d'argent sur une affaire juteuse.
Simone Signoret est très vite engagée pour le rôle titre, tout comme Raf Vallone pour le rôle de l'amant Laurent (il se doublera en français par la même occasion). Quant à Camille Raquin, il sera joué par Jacques Duby maquillé pour paraître plus vieux, au point d'avoir des surprises à l'embauche par la suite. En effet, des casteurs pensaient qu'il ressemblait vraiment physiquement à son personnage dans Thérèse Raquin, au point de se demander si ce n'était pas son père qui jouait dedans. Le film sera plutôt bien accueilli à Venise, au point que Carné obtiendra le Lion d'argent et le film fera plus de 2 millions d'entrées.
L'actualisation entreprise par le film montre bien que l'histoire est totalement universelle et renouvelable à n'importe quelle époque, voire à tout territoire. De la même manière, certes le fantôme n'est jamais montré mais on sent le poids de la mort de Camille tout le reste du film. L'amant s'en veut, l'engrenage devient de plus en plus explosif avec le marin qui se rajoute à la fête (Roland Lesaffre) ; et le final donne un côté désespéré phénoménal.
On pense comme les deux personnages principaux que cela va s'arranger, mais il suffit de quelques secondes et tout s'écroule comme un château de cartes. C'est dire la tragédie que conte Marcel Carné ici. Il n'y a aucun espoir dans Thérèse Raquin, juste la mort et des désillusions au bout du chemin. La fin a beau avoir été modifié par rapport au roman, mais le verdict est sans appel : la fatalité est omniprésente, faisant tomber définitivement ses personnages.
Signoret et Vallone forment un couple particulièrement convaincant, elle femme dans l'impossibilité de partir, lui amoureux avec les mains sales. A eux se rajoutent Dupy et Lesaffre également excellents en personnages fourbes et prêts à tout pour avoir ce qu'ils veulent. Malheureusement pour eux, leur sort est tout aussi néfaste.
Thérèse Raquin est une tragédie de premier ordre et ne perd rien de sa puissance au fil des décennies. Un très grand film.