Thomas est amoureux par Wykydtron IV
"Thomas est amoureux", ça parle d'un personnage qui tombe amoureux d'une femme sur internet. Enfin, en fait, deux femmes (le polisson !). Rien que cette esquisse de pitch ne pouvait que m'accrocher, telles les serres d'un vautour me rentrant dans la chair.
Le film nous fait directement entrer dans le vif du sujet, c’est plutôt osé : d’emblée on assiste à une partie de cybersexe !
Et ce, tout du long, dans le point de vue subjectif du héros, Thomas. Comme tout le film, en réalité. Pendant une heure et demie, on ne voit que l’écran devant les yeux du personnage, qui est un agoraphobe restant chez lui en permanence, et ce depuis 8 ans, mais qui a accès à un peu tout ce dont il a besoin grâce à une interface futuriste qui est une sorte de mélange entre internet et visiophone.
La caractérisation du personnage se fait via les "sites" auxquels il se connecte ou à ses communications : il rejette sa mère lorsque celle-ci lui téléphone ; un appel au service client d’une marque d’appareils ménagers robotiques nous apprend que Thomas est dans l’incapacité de sortir de chez lui (pour amener son appareil défectueux en atelier), etc.
Même si on ne voit jamais le personnage principal, de l’attachement pour Thomas se crée au fil de ses remarques comiques la plupart du temps teintées de cynisme. "Je suis déjà marié" ; "c’est pas du plastique, c’est du carbone expansé" ; et autres répliques marrantes qu’il faudra voir le film pour comprendre.
Mélodie, le premier personnage qui devient un "love interest" de Thomas, c’est celle qui m’a plu dès la première impression, grâce à une combinaison de bonne caractérisation du personnage et d’un bon choix de casting. La fille m’a fait penser à une Ellen Page belge ; elle avait 28 ans lors de ce film, mais on dirait vraiment quelqu’un tout juste sorti de l’adolescence. Enfin, en même temps, vu les alternatives que présente le film, c’est pas si étonnant qu’on s’attache à Mélodie plus qu’aux autres femmes, mais bon…
En l’espace de quelques jours seulement, les relations entre les personnages évoluent trop vite pour que ce soit réaliste, mais cette rapidité permet de passer par différentes phases, de la comédie au drame, et de nous amener assez tôt à des discussions intimes intéressantes, quand ça touche à la sexualité notamment.
Thomas, reclus chez lui depuis 8 ans, est déconnecté du reste du monde, il ne sait pas par exemple ce qui est à la mode ou non ; il parle du cybersexe comme si c’était naturel, alors que Mélodie lui apprend, et nous apprend aussi par la même occasion, nous donnant une idée plus détaillée de l’univers du film, que c’est un sujet tabou. Thomas a l’idée de comparer ça à la masturbation, ce qui apparaît pour le spectateur comme l’équivalent contemporain et concret du sujet évoqué : tout le monde le fait, mais personne n’en parle.
Mélodie trouve le cybersexe glauque ; le scénariste arrive à faire une sorte de problème de société de cette pratique fictive, et je me suis senti étrangement concerné, notamment grâce aux problèmes que cela amène dans le couple Thomas/Mélodie. Je me suis senti assez déchiré par leurs problèmes et divergences d’opinion ; étant donné que les personnages nous font davantage état de leurs sentiments qu’on ne comprend ou ne remarque ce qui fait qu’ils s’attachent autant l’un à l’autre, c’est plus au jeu d’acteur qu’on doit ce que j’ai ressenti face aux conflits des protagonistes.
Benoît Verhaert, qui interprète Thomas, livre un bon jeu d’acteur même si on n’entend que sa voix. D’ailleurs, en fait, on prête plus d’attention à son jeu, puisque tout ne repose que sur ses intonations ; c’est encore plus risqué pour l’acteur.
Tous les acteurs sont convaincants, donnant de la crédibilité à des scènes qui auraient très facilement pu être ridicules. J’ai été impressionné par le jeu de Magali Pinglaut lors de la scène de cybersexe, c’était bluffant.
Le jeu des acteurs et l’écriture arrivent à nous transporter dans une autre réalité, et font aisément oublier l’aspect de téléfilm de ce long-métrage : ses effets visuels kitschs, ses costumes combinaisons et costumes cheap, les tatouages ridicules qu’ont certains personnages sur la tronche pour faire "futuriste".
Ce qui est pas mal toutefois, ce sont les animations en images synthèses, et l’idée, vue que brièvement dans une scène, des cadres photos à l’image changeant par du morphing.
Du reste, la description de l’univers futuriste de "Thomas est amoureux" passe par des idées un peu plus étranges.
On se retrouve dans un monde où des "professionnelles", des assistantes sexuelles pour handicapés, remboursées par la Sécu, qui se retrouvent à faire ce boulot à la place d’une peine de prison, sont aussi formées pour un suivi psychologique. Faut pas trop pousser…
A part ça, ce qu’on apprend comme détails sur le cybersexe, le fait qu’il y a eu des cas d’électrocutions à cause de personnes s’en servant dans leur bain, ça m’a plu.
Alors que le film fait preuve d’une grande justesse parfois, lors des dialogues entre les couples par exemple, j’ai été étonné par des choix très maladroits et en décalage avec le reste : ces situations comiques ridicules, comme lorsque le réparateur d’aspirateur se ramène avec un masque à gaz…
"Thomas est amoureux" est un film avec ses maladresses, des carences dues à un budget visiblement faible, et dont la seconde intrigue amoureuse m’a bien moins intéressé que la première ; il n’empêche que je l’ai trouvé très prenant –tel Thomas je ne voulais pas quitter mon écran des yeux–, plein d’idées sympas, et bénéficiant d’une très bonne écriture.
Je recommande.
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