Le problème de ce film, c'est que tout va trop vite. Non, le problème de ce film, c'est que les enjeux nous passent souvent bien au-dessus de la tête. Non, le vrai problème de ce film, c'est qu'il a été réalisé par Kenneth Branagh sur l'affiche, alors que dans la pratique on jugerait voir le rejeton de Michael Bay à l'oeuvre. Ca fait zoom et boom à la moindre scène, la caméra tourne dans tous les sens, il y a une séquence en ralenti sous la pluie, bref, tout y est.
Thor n'est pas raté, il est médiocre et manque de maîtrise. Les scènes au Nouveau-Mexique sont sympathiques, et même si les personnages manquent de profondeur ont s'y attache rapidement. Les scènes en Asgard sont aussi kitschs que l'on pourrait l'espérer de la part d'un anglais adaptant un comics américain basé sur des légendes nordiques : il y a des plastrons en plastique, des aurores boréales aux couleurs de l'arc-en-ciel, de l'or dans tous les sens, et les power rangers locaux cabotinent comme des malades. Je ne commenterai pas ces scènes, d'une part parce que je ne connais pas assez l'univers de Thor (je ne doute pas que ce soit fidèle au comics, loin de là), mais surtout parce que le montage (visuel et sonore) de ces séquences s'apparente à un trou noir, aspirant le cerveau du spectateur naïf pour le recracher quelques deux heures plus tard, totalement déchiré, laissant sa proie sans défense et à une recherche désespérée de Doliprane (comme cette phrase).
Alors que sur le papier, l'univers de Thor réserve a priori de nombreuses subtilités plutôt bien vues (un dieu qui naît héros et devient humain, généralement ça fonctionne dans l'autre sens), le traitement du film est quelconque. Thor arrive sur Terre, la perte de ses pouvoirs et de son statut divin ne l'empêche pas d'être gaulé comme un catcheur australien et de distribuer des pains façon Jésus-Christ, il apprend une leçon d'humilité et récupère ses pouvoirs avant d'aller sauver tout ce joli petit monde (qui exactement, on s'en fiche un peu, tant qu'il les sauve). Entre-temps, il sera tombé amoureux d'une petite terrienne filmée en oblique (Nathalie Portman) et aura prêté son allégeance à un agent gouvernemental mystique (Clark Gregg) parce qu'il avait l'air cool avec ses Ray-Bans. Tout ça en deux jours. Aussi crétin que cela puisse paraître, Les Visiteurs de Poiré arrivait bien mieux à retranscrire le décalage d'un groupe de personnes transposées dans une époque différente de la leur. Là notre catcheur australien arrive, il découvre le café, marche au milieu de la route et repart aussi sec, c'est un peu court jeune homme.
Le personnage de Loki est traité comme un bon petit moustachu de nanar, il est brun et sournois donc c'est lui le méchant. Mais un méchant par défaut en fait, parce qu'il s'avère qu'il a une personnalité aussi stable qu'un emo kid à frange, du coup toutes ses exactions pourraient aussi bien être le fruit d'une crise d'adolescence ayant du mal à passer. De la part d'un amateur de Shakespeare, c'est un peu limite. Jane Foster et ses acolytes ne servent à rien, les quatre power rangers (Xéna, Gimli, Jackie Chan et Robin des Bois) servent de mention comique alors qu'il pourraient être foutrement plus utiles, et finalement tout le film tourne autour de Thor. Logique, d'une certaine façon, sauf que là où Tony Stark, charismatique en diable, avait tout de même besoin de Potts et Rhodes pour "exister" à l'écran, Thor se suffit à lui-même. On aurait pu le voir jouer du marteau contre des monstres pendant 1h40 que cela n'aurait été guère plus choquant.
Pour faire court, on s'en fout des personnages. Et si ceux-ci sont inintéressants, l'intrigue à laquelle ils sont rattachés aura de fortes chances de l'être aussi. Le film recèle tout de même de bons moments, l'intrigue avec le SHIELD est pas mal, et avec deux minutes d'apparition à l'écran Jeremy Renner en Hawkeye arrive à être plus convaincant que l'ensemble du casting, mais cela n'arrivera pas à sauver ce maelström visuel, sonore et scénaristique du naufrage.
A réserver aux amateurs de gladiateurs huilés qui se délecteront sans doute de voir Chris Hemsworth torse nu. Ca expliquerait toutes les relatives bonnes notes accordées au film, dans un sens.