Une fois n’est pas coutume, le studio n’a pas sorti sa cash machine à temps pour les vacances d’été. Non plus sous un Nouveau Thor Le Monde Des TénèbresMexique ensoleillé mais dans un Londres sombre et pluvieux, l’automne quoi. La saison qu’on consacre d’habitude à se remettre des avalanches de blockbusters estivaux et des overdoses de pyrotechnie qui vont avec et où on recommence à causer de Woody Allen devant la machine à café. Devant les bandes-annonces qui donnent franchement pas envie, on se rend au cinéma à reculons en affrontant les premières chutes de températures pour découvrir ce Thor 2. Décryptage d’un blockbuster raté qui n’a pas vraiment sa place.

En 2011, Kenneth Branagh lâche le théâtre de Shakespeare pendant un petit moment (ou pas d’ailleurs) pour s’adresser à un autre public et se salir un peu les mains : mettre en scène un blockbuster. Un intello qui s’intéresse à du pop-corn. Pire que ça, un film de super-héros. Un super-héros Marvel, un dieu nordique blondinet avec un petit penchant pour le bricolage, un dénommé Thor. Résultat des courses : Le succès commercial est là mais tout le monde s’accorde à dire que c’est une merde. Encore mieux, un nanar. Mais un nanar qu’on aime. Pas facile à assumer.

Faut dire aussi que le truc était pas facile à adapter et surtout à crédibiliser, déjà que sur le papier ça avait l’air très con. C’est toujours très délicat de transposer un super-héros de BD (un truc fait pour les gamins à la base) au ciné en ne pas tombant dans le ridicule. A moins d’utiliser les grands moyens en passant par une “nolanisation” express (très à la mode dans le Hollywood d’aujourd’hui), c’est-à-dire coller des thèmes ultra-sérieux, désaturer la photo, rajouter des nuages, retirer l’humour, les costumes drag queen et le slip de Superman, le film pourra difficilement se débarrasser de son allure Power Rangers.

Deux ans plus tard donc, Alan Taylor l’un des zozos aux commandes de 2 des meilleures séries télé du moment (enfin il paraît) à savoir Mad Men et Game Of Thrones, est chargé de filmer la suite. On est alors en droit d’attendre une suite qui redresse un peu la barre. Malheureusement, il n’en est rien, ce Thor The Dark World se révèle assez décevant. Même après celui de Branagh, déjà pas exceptionnel ? Eh ouais c’est possible.

Comme dans le précédent, ça commence par une intro (encore plus kitsch qu’avant, l’exploit de ouf) style Seigneur des Anneaux narrée par la voix profonde et solennelle de Sir Anthony Hopkins «Certains pensent qu’avant l’univers il y avait rien, eh bah non y avait les ténèbres blablabla…». Pitié, faites un effort merde ! Ce premier acte révélateur d’une écriture fumeuse représente à lui seul l’extrême manque d’originalité du scénario, qui s’avère aussi un peu trop prévisible (twists repérables à 100 mètres) et c’est là le plus gros problème du film. Joss Whedon aurait d’ailleurs “sauvé” le film en retouchant le scénario, on n’ose imaginer ce que ça devait être avant. En gros, c’est l’histoire d’un méchant qui s’appelle Malekit(sc)h, le roi des Elfes Noirs qui projette de détruire l’univers en mettant la main sur l’Ether (le MacGuffin du film) mais heureusement Thor est là et va sauver tout le monde. Le bad-guy pour commencer, bénéficie d’un traitement complètement inexistant, on ne sait rien sur lui ni sur ses motivations et il a le charisme d’une huître. Pour le spectateur c’est donc seulement une tête, rien de plus. Le reste du cast s’en sort plutôt honorablement même s’il souffre lui aussi d’une absence de développement : la prestation de Chris Hemsworth reste dans l’ensemble aussi intéressante qu’avant, Natalie Portman toujours aussi séduisante et moins inutile que dans le précédent n’est plus réduite au rôle de potiche. On retient surtout Tom Hiddleston qui sauve littéralement le film à travers son interprétation impeccable de Loki, personnage impossible à cerner et qui souffre d’un conflit intérieur permanent, même si les scènes de chamailleries entres fréros ont tendance à agacer un peu. Du côté des persos secondaires, il y a Kat Dennings qui assure toujours le même job, celui de side-kick comique (amuser la galerie si vous préférez) mais cette fois elle n’est pas seule et est aidée par un jeune blaireau sans identité. «C’est mon assistant» répète-elle sans arrêt. T’inquiètes on avait compris. Dans le premier film, l’humour était principalement centré sur le décalage entre les manières moyenâgeuses de Thor et la civilisation américaine moderne (on luttait d’ailleurs tant bien que mal pour ne pas penser aux Visiteurs), pas brillant mais pas dérangeant. Ici, l’humour est beaucoup trop présent et bien lourdingue. Au menu, un Dr Selvig qui joue les nudistes barjos, des elfes armés d’un bazooka et un Thor qui prend le métro (bon ok ça c’est marrant). La dernière fois qu’on a eu une dimension comique aussi importante dans un film de super-héros c’était sur Batman et Robin. On connaît la suite, évitons de rouvrir la plaie. Se pose également le souci de la cohérence, il arrive un moment où on abandonne, on se décide à hisser le drapeau blanc : on n’essaie même plus de comprendre les explications pseudo-scientifiques lancées par Natalie Portman, plus foireuses les unes que les autres. Ta gueule c’est scientifique. Ta gueule c’est magique. Le film en lui-même laisse entrevoir une réalisation timide et assez peu inspirée par rapport au précédent, ce qui entraîne inévitablement un manque d’accroche chez le spectateur. Parce qu’en terme de mise en scène, le film de Branagh était pas foncièrement pourri, on avait toutes ces belles idées autour de la lutte pour le pouvoir avec même quelques métaphores théâtrales.

Pas grand chose à sauver de ce Thor 2 donc, à part quelques choix de montages plutôt astucieux et des scènes d’actions assez efficaces malgré un climax en plein cœur de Londres un peu raté et trop rapidement emballé. Le film ne durant d’ailleurs que 1h50, on remarque sans difficultés les (trop) nombreuses coupes au montage, tellement flagrantes qu’on pourrait presque croire qu’Harvey Weinstein (alias le roi du ciseau) est passé par là.

Pour ce qui est de la désormais traditionnelle scène post-générique, c’est bien simple il faut être un geek de niveau 5 pour comprendre de quoi il retourne. Si comme moi vous ne l’êtes pas, tant pis pour vous, vous serez juste amusé par un Benicio Del Toro visiblement très inspiré par les délires capillaires de Javier Bardem.

Pour résumer, Thor The Dark World est sans surprise et peine à convaincre, beaucoup trop faible pour un film post-Avengers, c’est sans hésitation le film le moins réussi des studios Marvel mais ne représente pas non plus une insulte au cinéma. On peut l’ajouter à la liste des suites ratés cette année. Comme Kick-Ass 2 ? Oui mais au moins devant Kick-Ass 2 on s’amusait un minimum. Un pur produit commercial sans âme et sans saveur. Personnellement je dois admettre que j’ai préféré le premier film, au moins lui remplissait pleinement sa fonction de divertissement.

La Phase 2 avait pourtant très bien commencé avec l’excellent Iron Man 3 (même si le Mandarin qui fait caca n’avait pas plu à tout le monde), on en attend un peu plus du prochain Captain America The Winter Soldier avant de lâcher le gros calibre en 2015 avec Avengers 2.

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le 13 nov. 2013

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