Ce qui frappe chez Thor, encore plus sûrement que les éclairs lancés par le héros, c'est l'absence d'harmonie. Il ne s'agit pas tant d'un jugement que d'une simple constatation. Les deux premiers opus sont les parents pauvres du 1er âge, ni distinctifs ni distingués. Puis Marvel Studios se décide à casser la malédiction en intégrant Taika Waititi dans son pré carré, comme on lâche le loup dans la bergerie. Rupture totale avec les précédents ? Pas fidèle au Comics Ragnarok ? Vrai dans les deux cas, et tant mieux. Entre Albator sous LSD et Flash Gordon survitaminé, la nouvelle version Waititi entend pousser la rigolade au maximum, quitte à brûler les ponts avec l'univers partagé. Tout cela serait parfait si Marvel ne s'acharnait pas à faire coïncider des mondes ayant peu voire rien en commun. Ce qui nous amène à un Endgame voyant Thor passer de la (grosse) mauvaise blague à une réclame hasardeuse pour les Asgardiens de la Galaxie. Parenthèse hors-sujet mais comment enchainer ? Waititi rempile et annonce la couleur : Love and Thunder sera bien la suite de Ragnarok. Soulagement. Puis désenchantement.
Comprenons-nous bien : revenir à du bon délire, c'était la seule espérance. Ce 4ème volet entend d'ailleurs la combler. Ragnarok s'en tenait là, sa force et sa faiblesse. Lui veut aller plus loin - saine ambition - sans fixer un où et un comment. Si Jojo Rabbit prouvait que Waititi était à même de trouver l'équilibre entre rires et larmes, il s'en montre incapable cette fois. La première heure de cette nouvelle aventure n'est pas loin du coup de tonnerre pour Thor (sans blague). Une sorte de pièce montée bâtie sans aucune cohésion. Le retour de Jane Foster et l'arrivée de Gorr fournissaient le cœur émotionnel dont le précédent chapitre était dépourvu. Ces deux éléments seront réduits à de simples vignettes et non le fil rouge censé guider notre super-héros vers une renaissance. Le reste du temps, le récit s'échine à additionner frénétiquement les blagues. Ce qui joue contre le tragique passé ou à venir de manière flagrante et sape l'idée (volontaire?) d'aller vers un peu de noirceur. Le plus surprenant, c'est que même pris séparément, ça ne fonctionne pas.
Pas très inspiré et très mal dosé, l'humour dans Love and Thunder devient représentatif de la formule Marvel. Les enjeux en ressortent amoindris, certains personnages en souffrent directement (Valkyrie, Korg) et quelques séquences relèvent de la gêne pure et simple. Chose accentuée par des effets visuels une nouvelle fois inconstants (espérons que la gronde des techniciens sur les conditions de travail se fasse entendre). Il ne suffit pas d'avoir quelques comédien.ne.s motivé.e.s et d'envoyer les riffs de Gun's & Roses pour faire illusion. Aussi décalés que soient le Thor en mode musclor candide ou le Zeus hédoniste (Russell Crowe, pas mal du tout), ils n'auront les honneurs d'une scène mémorable ou d'une boutade désopilante. Pour ainsi dire, le seul moment qui marche à fond on le trouve quand le bariolage et l'humour sont en veilleuse au Royaume des ombres. Sinon ? On se repose sur le casting. Il n'a pas grand chose à faire, mais a la décence de le faire plutôt bien. Chris Hemsworth, Christian Bale et Natalie Portman limitent la casse, que peuvent-ils faire d'autre ? On échappe également à certains réflexes pubards des autres produits MCU (teasing et références gonflantes). Lassitude ou cahier des charges, le fait est là : Waititi passe à côté de son sujet (et de la plupart de ses vannes).