Tentons une comparaison pour le moins osée : si l'équipe des Avengers était le petit groupe d'amis de Friends, Thor en serait le Joey. Le mec un peu lourdingue, pas franchement brillant et qui sert plutôt de ressort comique (ou de Deus ex machina dans la méga-franchise Marvel).
Si on file la métaphore, ce Thor 4 serait un condensé des saisons 9 et 10 de la célèbre sitcom. Le moment où les scénaristes, par manque d'inspiration ou par facilité, ont poussé au maximum les défauts du personnage pour en faire un gros balourd décérébré, plus lourdingue qu'amusant, plus exaspérant qu'attachant.
Taika Waititi, qui avait su revigorer la saga du Dieu nordique dans un Ragnarok sympathique quoique empreint de défauts, est de retour aux manettes mais semble avoir perdu l'étincelle créatrice qui avait fait le succès de son Thor. Au point qu'on en vienne à se demander quel a été le poids de la machine Marvel dans l'écriture et le développement de cet épisode qui semble bâclé, au même niveau que l'avait été son prédecesseur Docteur Strange 2. On y retrouve le même traitement en accéléré avec des personnages et des enjeux posés à la truelle comme pour arriver plus rapidement aux scènes d'action.
Certes, les personnages épais et la construction subtile n'ont jamais été la force de la franchise, mais depuis le début de cette phase 4, on a l'impression d'être passé encore au niveau au-dessus (ou plutôt en dessous, en l'occurrence). Les scènes s'enchaînent sans rien apporter, sans prendre le temps de développer quoi que ce soit.
Expédié en quelques minutes, nous avons ainsi l'histoire du grand méchant, oubliable au possible et même redondante, un petit résumé de ce que devient Thor et de ses mésaventures avec les Gardiens, qui pose le personnage et ses défauts, puis le retour de Jane Foster et la raison qui l'amène dans ce film, dévoilée sans émotion aucune. Rapide, bâclé, inefficace.
Les deux premiers tiers du film sont ainsi un joyeux méli-mélo de séquences s'enchaînant sans temps mort ni logique, et rend difficile l'implication émotionnelle d'un spectateur subissant ce triste spectacle sans trop savoir s'il doit rire, pleurer ou dormir. Le dernier acte est plus réussi (du moins, en comparaison du reste), mais laisse un goût amer dans la bouche. Si seulement le scénario avait été de ce niveau-là durant 2 heures...
Au final, on en vient à se demander si Waititi ne livre pas là une parodie de son personnage, tant il pousse loin le ridicule empesé des dialogues et des personnages au cours de scènes qui en deviennent douloureuses à regarder. Et si la réalisation de Raimi pouvait sauver un Docteur Strange 2 tout aussi brouillon, la mise en scène du néo-zélandais est loin, très loin des standards auquel il nous avait habitué jusqu'à présent. Peut-être s'agit-il là d'une colossale blague méta, mais dont le spectateur serait privé de la punchline.
Au-delà de ce foirage en règle, on en vient à se demander où veut nous emmener la phase 4. En terme de contenu (films + séries), la durée totale de celle-ci excède déjà celle des trois autres...réunies. Et on ne sait toujours pas où les producteurs veulent en venir, quelles seront les forces en présence et les adversaires à affronter. Black Widow, Shang-Chi, Les Eternels, Spider-Man, Dr Strange, Thor, les films se succèdent sans laisser de marque dans la continuité et le développement de la saga (hormis Spider-Man, peut-être, et encore), les scènes post-génériques laissent entrevoir une flopée d'ennemis et de potentiel encore inexploité sans jamais vraiment rassasier ni apporter leur pierre à l'édifice. On peut penser ce qu'on veut de Kevin Feige, son univers étendu avait su jusque là proposer une histoire cohérente sous forme d'une série de films qui avait tenue en haleine les spectateurs sur plus de dix ans. À ce rythme, la baudruche Marvel risque de bien vite s'écrouler sous le poids de ses attentes et des promesses non tenues.
Where do we go now ? Where do we go ?