On m'avait prévenu, ce Thor: Love and Thunder serait éprouvant. Je m'attendais à l'humour potache, voire très lourd, de Waititi, je sentais venir un Thor de moins en moins icônisé (et après tout pourquoi pas), mais je ne pensais pas que le naufrage serait si complet.

Je vais commencer cette brève critique en énumérant les différents éléments qui m'ont fait lever les yeux au ciel, et ensuite on pourra passer au coeur de mon problème ici: le traitement de Gorr et son final.

Bon, alors, ceci est une liste non exhaustive des choses qui m'ont poussé à mettre le film en pause pour m'attarder deux secondes sur le délire que j'avais sous les yeux:

- La référence à JCVD, on a rarement vu des appels du pieds moins subtils (et on note cette tendance au film mashup que souligne M. Bobine dans une récente vidéo).

- La moitié des blagues du film, ça a déjà été souligné une centaine de fois, pas la peine d'insister.

- Pourquoi Stormbreaker est la clé pour trouver Eternité? Sérieusement pourquoi ce privilège accordé aux dieux asgardiens quand on vient de voir à omnipotence city que littéralement TOUS les dieux de presque tous les panthéons sont là, voire plus. Ca n'a aucun sens de mettre un tel pouvoir entre les mains d'un abruti comme Thor, c'est un énorme mollard scénaristique craché à la gueule du spectateur. Après peut-être que certains brandiront un obscur comics où cela est expliqué mais je ne pense pas toujours du bien des scénarios de comics donc évitons de nous infliger ça.

- Asgard. Sérieusement, New Asgard est un parc d'attraction? A ce moment là deux choses m'ont sauté aux yeux: 1) Les asgardiens s'adaptent décidément bien vite au mercantilisme présent sur Terre et ruinent sans forcer leur aura; 2) le film est tout à fait conscient de ce qu'il est, à savoir une mauvaise blague utilisant des éléments Marvel, et la scène du théâtre en est la plus parfaite démonstration.

- En parlant d'Asgard, et suite à l'enlèvement des enfants, on notera une foule de réaction surréalistes. D'abord, on peut s'étonner que Thor et Mighty Thor ne roulent pas sur les monstres kidnappeurs (ils le faisaient 1min plus tôt), mais soit, c'est pour le bien d'un scénario à bout de souffle. Mais comment comprendre que les protagonistes ne prennent aucunement au sérieux le sort de ces pauvres gosses? Littéralement 2min après leur enlèvement ils sont en train de badiner, de faire des blagues hors propos, de rire à propos du bon vieux temps, et ça c'est quand Thor ne trolle pas directement les gosses en direct de leur geôle. J'étais sidéré par la manière dont le film abandonne totalement toute ambition dramatique pour se réduire lui-même à un combo blague / romance. C'est terrifiant de nullité.

Et je profite donc de ce point pour effectuer une splendide transition vers mon plus gros problème. Tout est une blague, rien n'est sérieux (la société du spectacle, on commence à avoir l'habitude), et ce jusqu'à exclure toute cohérence narrative. On commence dans l'air sec qui réduit en lambeau la peau de Gorr et de sa petite fille. Bien que maladroite, cette exposition propose un enjeu dramatique clair. Ensuite, ce futur déicide se rend dans un oasis où il découvre son "dieu", et ce dernier est plus que décevant: vivant dans le faste, l'oisiveté et, surtout, le désintérêt le plus total pour tout ce qui n'alimente pas son bon plaisir. Il est donc massacré par Gorr à l'aide d'une obscure entité "maléfique". Mais, bien qu'on ressente le mood "côté obscur" de l'antagoniste durant cette scène... désolé mais il est dans son bon droit. Quel est ce Dieu qui laisse périr les siens et, pire, se moque ouvertement de leurs souffrances? Gorr est donc légitime en ce début de film.

Mais on pourrait se dire que ce premier meurtre est un doigt dans l'engrenage de la haine et qu'il en viendra à tuer d'autres dieux, trop nombreux, y compris de "bons" dieux. Certes, mais ce n'est pas ce que le film montre. L'un des rares dieu montré comme "bon" est une sorte de gros lézard dont Thor nous dit qu'il était "le plus gentil". Excusez moi mais le jugement de ce benêt naïf de Thor ne convainc pas. On en revient au problème de nombreux films du genre: le méchant ne l'est que par son chara design (plutôt réussi pour le coup, Bale tente de sauver le peu d'enjeu dramatique qui survit). Car Thor et ses amis, eux, ne se gênent pas pour tuer des dieux, et un Zeus ronflant d'auto contentement en fait les frais. Mais puisque c'est les gentil et qu'ils le font pour la bonne cause, alors ça va. On peut se demander ce qu'on fait ces gardes au sang doré (comme ça on peut en foutre partout sans choquer) pour mériter d'être massacrés. Leur vie vaut elle moins que celle des gosses?

Bref, avec Zeus et cette cité des dieux, on en arrive au problème majeur: Gorr a raison de vouloir massacré ces bêtes qui se vautrent dans leurs privilèges et leur statut afin d'assouvir tous leurs désirs (Zeus le dit lui-même). De plus, ne méritent-ils pas la rébellion d'un Gorr venu du plus bas de l'existence? Lui qui ne demandait qu'un peu d'aide à ces êtres aux pouvoirs divins n'a reçu que des rires. Le privilégié se moquant de la souffrance du pauvre. Il est très aisé de faire une lecture sociale du film. Gorr ne semble donc pas se tromper dans sa quête et, bien que les méthodes soient brutales, elles feront peut-être (aucune certitude) émerger un ordre nouveau et plus juste. D'autant plus que le boucher des dieux mourra pour avoir obtenu le pouvoir de les vaincre, il ne régnera donc pas en tyran à leur place. Et ici, Thor, dans son égoïste insouciance, ressemble beaucoup aux autres dieux. Certes il finit par mettre en divise d'aider ceux qui ne peuvent se battre par eux-mêmes, mais que faisait-il, et pas seulement lui, quand de nombreux dieux tyrannisaient leur monde ou s'en détournaient? Y a-t-il une régulation des actions divines ou sont-ils laissés à l'arbitraire le plus total. De plus, Thor lui-même ne semble pas beaucoup prendre au sérieux la souffrance des plus faibles: il intervient dans la bataille avec les GDLG seulement une fois qu'il y a eu un paquet de morts, il se tape ses meilleurs barres de rire alors que des gosses sont en danger de mort, il n'interroge à aucun moment Gorr sur ce qui le pousse à faire tout cela (ça aurait demandé à Waititi de soulever un problème politique sur les rapports de force, ne lui en demandons pas trop), etc.

Autrement dit, Gorr est légitime sur le fond, mais son mode opératoire et son design empêchent tout son propos d'être considéré. D'ailleurs, il est violent mais comment ne pas l'être? Pensez-vous que les dieux que l'on observe dans ce film auraient prêté l'oreille aux propos d'un pauvre hère comme notre boucher? Finalement j'ai presque de l'affection pour ce monstre qui ne l'est que par la force des choses, et il est pour moins l'un des seul bon point du film. SAUF QUE, malheureusement, happy end oblige, on voit la résolution désamorcé complètement la porté politique et sociale de Gorr: finalement, plutôt que de lutter pour renverser un ordre injuste et arbitraire, on va écouter Thor, qui lui a l'habitude de l'égoïsme, et agir pour sa gueule. Finie la révolution, on rez la gamine de Gorr, et Thor sera papa de substitution. Boom 2 en 1! On évacue le problème central que soulève Gorr en ramenant tout cela à la perte d'un être cher et du même coup on trouve une pseudo raison de vivre à Thor. Le cafard que ça m'a foutu ce dernier segment... Et ce problème de non résolution d'un enjeu réel n'est pas nouveau: Thanos, déjà, soulevait le problème de la gestion des ressources. Mais comme il est vilain on le bat, et le problème existe encore, mais pas grave on a gagné, le vilain est KO. Et cette puérilité dans le traitement des enjeux commence à être fatigant dans le cinéma de divertissement. On peut divertir avec des enjeux forts et pris au sérieux. Il faut pour cela évacuer la paresse.

Simon_Findor_Ri
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le 6 janv. 2023

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Simon_Findor_Ri

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