C'est toujours la même chose. Je jure à chaque fois qu'on ne me reprendra plus à aller voir le dernier spectacle boursouflé du MCU. Mon alibi cette fois ? Une sortie entre vieux potes qui se conclue naturellement par un ciné pop-corn.
Ben force est de constater que c'était pas déplaisant. M'voilà.
Thor est de loin le personnage le plus inintéressant de la mythologie Marvel au cinéma, et les producteurs semblent avoir enfin compris qu'un Dieu quasi-immortel, bourrin, habillé par le mauvais goût lui-même, pouvait difficilement être au centre d'une dramaturgie réellement crédible.
Exit donc les réflexions pseudo-méta sur la responsabilité, la fraternité... Ce film joue la carte du fun à fond. En fait, trop à fond.
A vouloir absolument casser l'image du colosse Asgardien, le réalisateur tombe souvent dans la "vanne forcée", parfois assez malaisante (on a quand même un running-gag autour du mot "anus"...bon).
Mais en dehors de quelques fautes de goût majeures, force est de constater que l'univers totalement libre et décomplexé dans lequel évoluent les personnages de "Thor : Ragnarok" constitue la force principale du film.
La narration est celle d'un jeu-vidéo où les niveaux s'enchaînent et ne se ressemblent pas, sans que le souci de cohérence ne vienne entraver les délires du réal.
On part donc d'un coin paumé de l'univers ressemblant vaguement à l'enfer (avec un gros monstre de flammes) avant de passer par Asgard, le repère du Dr. Strange (qui, bien qu'assez inutile, nous gratifie de scènes assez drôles), la Norvège, des couloirs spatio-temporels psychédéliques, une planète-poubelle régie par la violence et le spectacle...
On a la sensation assez agréable que le personnage de Thor sert ici de simple prétexte à Waititi, désireux de proposer une odyssée délirante et pulp comme on pouvait en lire dans la Bande Dessinée SF des années 1970.
Le film prend alors la forme d'une sorte de "Marvel Show" où toutes les tensions sont désamorcées, où les personnages de la célèbre écurie se joignent à l'aventure de manière improbable, comme s'ils naviguaient d'un strip de comics à l'autre. Je n'ai lu que peu de comics Marvel mais je me rappelle avoir ressenti ce côté « all-stars » dans certaines aventures des Avengers ou des X-Men.
Pour revenir à l'humour, c'est clairement l'axe principal du film. Comme dit précédemment, pour quelques situations vraiment drôles (certaines sont basées sur de l'humour noir amené par un personnage secondaires...c'est assez inattendu et ça fonctionne), on a beaucoup de « vannes pour la vanne », avec le label Marvel marqué au fer rouge. Donc si vous trouvez les chamailleries de Thor et Hulk drôles, vous prendrez votre pied, sinon...comme moi, vous aurez un petit sourire gêné et vous attendrez la prochaine scène réellement haute en couleurs.
Et en parlant de couleurs, le film joue sur la fibre kitsch/nostalgie, à la manière des « Gardiens de la Galaxie ». Si vous avez parfois l'impression de vous être perdu sur la Route Arc-en-ciel de Mario Kart, c'est normal.
Sur le plan visuel et à la réalisation, Waititi a des partis pris assez inédits pour un film Marvel, dans le sens où il rend tout volontairement cheap.
Les dialogues sont des successions de champs/contre-champs et le jeu des acteurs est clairement inspiré de l'univers de la sitcom. Quand aux scènes d'actions, elles sont bien réalisées, lisibles, assez jouissives, mais sont servies par des effets visuels très « cartoon », d'un effet douteux.
Tout l'affrontement final sur le pont d'Asgard témoigne de ce je m'en foutisme vis-à-vis de l'action. On a un seul décor uniforme (le pont), des effets spéciaux criards, une simplicité dans le déroulement de l'action... Tout l'inverse de la mise en scène virtuose de Joss Wheddon dans les films « Avengers » ou des tentatives de réalisme immersif des frères Russo. Tout est ici traité avec distance.
Et le moins qu'on puisse dire, c'est que la forme est cohérente avec le fond. Jamais on ne ressent de peur pour les personnages, de réelle tension. A l'inverse des « Gardiens de la Galaxie 2 » (où on ne savait pas trop sur quel pied danser), le film nous crie au visage dès le début « Vous inquiétez pas, tout est pour de faux, tout est pour rire ! ».
Du coup, c'est dommage que l'arc avec la « grande méchante » (jouée par une Cate Blanchett qui a l'air de s'amuser sincèrement) prenne autant de place, surtout qu'on sait dès le début qu'il va être résolu facilement, vu que les héros ont déjà tabassé la moitié de la galaxie...
Alors que vaut ce « Thor : Ragnarok » ? Il est clairement divertissant, assez jouissif dans le déroulement fantasque de son intrigue et fourmille de bonnes idées. Par exemple, je sais que l'idée d'une planète qui vénère Hulk vient des comics, mais il fallait un certain culot pour la porter à l'écran.
Mais l'humour n'y est pas aussi bien dosé que dans « Iron Man 3 » ou « Spider-Man : Homecoming ». On tombe vite dans le potache, voir le gênant, ou le carrément naze... De plus, ça servait pas à grand chose d'introduire une méchante aussi puissante et badass dans un film où on comprend dès le début que les gentils vont triompher, au calme.
Les acteurs semblent ne pas tous avoir compris où ils foutaient les pieds avec ce film. Par exemple, si Jeff Goldblum excelle dans le surjeu (sa spécialité), Mark Ruffalo a l'air bien paumé... Mais bon, ça rend le tout encore plus « what the fuckesque », j'imagine ?
Enfin, et si ça ne m'avait pas sauté aux yeux lors de mon visionnage (le très bon « Critique Masqué » me l'a fait remarquer après coup), le film porte un message assez critique vis-à-vis des puissants, des hommes (et femmes, en l'occurrence) de pouvoir.
Odin a basé son pouvoir sur le mensonge, Loki a réussi à manipuler le peuple d'Asgard, le Grand Maître est un arnaqueur, esclavagiste et libidineux, et Hela est une nihiliste psychopathe...
Du coup, le film se conclue avec la destruction complète de la cité d'Asgard par notre bande de joyeux-lurons. Bizarrement, j'aurais plus vu un morceau des Clash ou des Sex Pistols ponctuer cette scène qu'un de Led Zep mais bon, c'était quand même bien appréciable !