La débâcle

Jusqu'à aujourd'hui, malgré un style de production consensuel qui produit des films de plus en plus génériques et qui oublie souvent le sens du terme "mise en scène", les longs-métrages du MCU ont toujours su se tenir à un certain standard de qualité. Malgré les rares très bonnes exceptions (les Guardians of the Galaxy entre autres) on restait face à des films relativement corrects même si jamais vraiment transcendants. Mais cela est sur le point de changer avec le dernier né du studio qui fait définitivement penché la balance du côté négatif. Même si Thor: Ragnarok n'est pas non plus un mauvais film, il est ce qui est sortie de plus faible de l'écurie Marvel en raison d'une démarche incohérente et fainéante où le tout bascule définitivement dans la parodie de mauvais goûts.

Le film de super-héros n'est définitivement plus un genre à prendre au sérieux, ce Thor rend cela très clair car tout l'entreprise est exécutée par dessus la jambe. Les films autour de l'asgardien ont toujours été les plus faibles des films du MCU, et on sent que pour clôturer la trilogie ils ont redoublé d'efforts pour mettre tout ce qui selon eux marchent dans leurs films. Plus de comédie, plus de musiques des années 80 et plus de couleurs pétaradantes. Le mot d'ordre est clairement de ce caler sur le succès des Guardians of the Galaxy sauf qu'une telle démarche appliqué à Thor en devient insensée. Cela à du sens dans Guardians of the Galaxy car cela est raccord avec les personnages, notamment de celui de Peter Quill. L'humour et la musique sont des moyens de défenses pour eux alors que dans Thor c'est une démarche totalement gratuite et opportuniste pour paraître le plus cool possible. Sans la moindre identité, Thor en devient donc l’ersatz bâtard de films bien meilleur que lui.

Pourtant, il y avait de quoi être confiant avec l'arrivée de Taika Waititi, réalisateur talentueux qui à su créer son propre univers visuel décalé et totalement attachant. Mais ici il signe son film en pilotage automatique avec une mise en scène en demi-teinte, où les meilleurs plans ont déjà été montré dans les bandes annonces et ceux-ci pèse finalement pas lourd au sein du film. La réalisation est tout ce qu'il y a de plus correcte, des effets spéciaux au montage en passant par la photographie, tout est maîtrisé, propre et bien exécuté mais sans aucun génie. C'est un produit lisse mais qui a le mérite d'être bien produit mais là où le bas blesse c'est dans le peu de soin apporté aux scènes d'actions qui se révèlent expédiées, molles et peu chorégraphiés. Prenant souvent place dans des décors assez fades, elles ont un côté cheap assez déplorable. Ici donner un peu d'envergure et d'épique à ses héros n'est plus la priorité car Thor: Ragnarok bâcle même ses enjeux au profit du tout comédie.

D'ailleurs ce recourt systématique à l'humour en devient lourd et peine à donner la possibilité de faire évoluer les personnages. Ici tout enjeux dramatiques ou développements significatifs sont repoussés d'un revers de main comme quand le film tue un grand nombre de personnages des anciens Thor sans s'arrêter dessus ou encore qu'il réduit l'antagoniste au rôle de figurante qui sait pas trop ce qu'elle fait là. Ici, on est là pour rigoler et même si certains gags fonctionnent vraiment, c'est surtout du domaine de l'aléatoire. En balançant autant de vannes à la secondes y en as toujours une ou deux qui touchent la cible même si la grande majorité et d'un niveau assez navrant. On a plus l'impression de se retrouver face à une succession de sketchs du SNL à gros budget avec les caméos qui vont avec plutôt que d'assister à un vrai film de cinéma. Des sketchs pauvrement relié entre eux car ce Thor: Ragnarok se bâtie sur des plot holes assez gênants notamment en ce qui concerne la présence de Hulk, totalement sous-exploité d'ailleurs, et la nature de Hela qui fait un peu cheveu sur la soupe.

Malgré tout, on a quelques acteurs qui s'en donnent à cœur joie comme l'abattage comique savoureux de Chris Hemsworth, l'énergie communicative de Jeff Goldblum ou encore la présence sympathique d'un Mark Ruffalo ahuri mais la plupart sont un peu effacé dans un film qui leur laisse très peu de place comme Tom Hiddleston, Idris Elba et Cate Blanchett qui se voit ici comme un potentiel gâché. Thor: Ragnarok est donc un film fade, beaucoup trop lourd et peu intéressant. Le film aura quand même ses moments ici et là grâce à son casting et quelques gags bien sentis mais les fainéantises scénaristiques et ses visuels pas à la hauteur de leurs promesses ont souvent raisons de lui. Le MCU arrive à un point où il ne se donne même plus la peine de donner un peu d'épaisseur à ses productions ni fait semblant de les prendre au sérieux pour finalement paraître comme la caricature de son propre style. Si on le prend comme le fait que le MCU se parodie lui-même ouvertement, le film pourrait trouver son intérêt mais la démarche est d'un tout autre cynisme ce qui rend ce Thor: Ragnarok antipathique et que cela est alarmant pour la suite de cet univers.