Entre la suite du Marvel/Disney le plus acclamé de la franchise (Les Gardiens de la Galaxie), l’aventure solo du Tisseur (Spider-Man : Homecoming) et le troisième opus de Thor, il n’y avait pas photo : le dieu nordique était celui que l’on attendait le moins en cette année 2017 ! Et pour cause, l’Avengers aux allures de surfeur à la Point Break (une allusion y est d’ailleurs faite à ce sujet) ne peut se vanter d’avoir les meilleurs films de la saga… Le premier, réalisé par Kenneth Branagh, se voulait shakespearien au possible mais se perdait dans la banalité la plus totale, le kitsch le plus insignifiant. Le second, beaucoup plus appréciable car plus efficace et spectaculaire, dévoilait déjà les problèmes du MCU à enchaîner les réalisateurs interchangeables (dans ce cas, l’oubliable Alan Taylor), offrant aux spectateurs de véritables produits sans âme. Avec ce Thor : Ragnarok, il fallait s’attendre une nouvelle fois à ce constat. Et même à quelque chose de bien pire, la promotion du long-métrage dévoilant un film qui cherchait à conquérir un public de plus en plus lassé, allant jusqu’à vouloir ressembler aux Gardiens de la Galaxie (côté fun et SF, ambiance très 70-80’s avec Immigrant Song, des personnages hauts en couleurs, un titre sous forme de néons…) pour se trouver de l’intérêt. Sans compter le cinéaste à la barre de la démarche, un parfait inconnu tout droit sorti de la comédie pure et dure. Bref, le genre de bonhomme que l’on peut sans mal qualifier de yes man au premier abord. Eh bien, mauvaises langues que nous sommes dans l’ensemble, Thor : Ragnarok va nous faire ravaler sans mal ces propos, ce nouvel opus de la saga Avengers se présentant comme l’un des plus notables depuis le lancement de celle-ci.
Après, il ne faut pas mettre non plus mettre de côté que le long-métrage ne sera pas le plus marquant de l’histoire du cinéma. La faute revenant, une fois de plus, au manque d’ambition de l’ensemble, comme s’il était plus important que Thor : Ragnarok doive impérativement entrer dans le moule du MCU plutôt que de se permettre certaines envolées pour se démarquer de la norme. Se retrouvant ainsi avec un scénario des plus anecdotiques, qui ne fait aucunement avancer les personnages (un peu le personnage principal, mais ce n’est clairement pas suffisant) et encore moins la franchise Avengers. Forçant le public à connaître cette dernière sur le bout des doigts. En gros, avoir vu les 16 films précédents (d’Iron Man et Spider-Man : Homecoming) pour remarquer les nombreuses références faites à leur sujet (Loki ayant peur de Hulk, le Teseract, le personnage de Jane Porter évoqué, le message vidéo de Black Widow, les pierres d’Infinité, la première scène post-générique annonçant l’arrivée de Thanos…). Pour comprendre certains pans du scénario, qui font irrémédiablement les liens avec les autres films, comme la présence de Bruce Banner/Hulk sur une planète autre que la Terre (Avengers : l’Ère d’Ultron) ou encore le fait qu’Asgard soit gouverné par un Loki ayant pris l’apparence d’Odin (une scène post-générique de Thor : le Monde des Ténèbres). Et sans oublier, bien entendu, l’éternel et inutile caméo d’un autre personnage de la série (Doctor Strange joué par Benedict Cumberbatch), pour meubler le temps de quelques minutes tout en rappelant grossièrement l’appartenance de celui-ci à l’univers d’Avengers. Mais quelque part, Thor : Ragnarok n’a jamais prétendu être autre chose qu’un titre super-héroïque du MCU. Depuis les débuts de ce dernier (soit 2008), le public est déjà rôdé à ce genre de produit et il est plutôt logique de balancer à la figure d’un réfractaire à la franchise sortant du visionnage dépité : « Franchement mec, tu t’attendais à quoi ? »
Mais au-delà de ça, nous ne pouvons nier que ce troisième opus des aventures de Thor réussit bien le job, et même plus ! Car l’excellente surprise qu’est le film en termes de divertissement, nous le devons à son réalisateur Taika Waititi, qui a préféré mettre au placard tout ce qui qualifie un blockbuster de cet acabit (principalement l’action grand spectacle) pour se concentrer sur ce qu’il semble faire le mieux depuis ses autres œuvres : la comédie. Certes, il n’oublie pas de gratifier son titre d’effets spéciaux à tout bout de champ, au visuel parfaitement dans la moyenne de ce qui se fait aujourd’hui (bien que les fonds verts des paysages norvégiens sont d’une laideur sans nom), offrant le temps de quelques secondes des séquences sublimes (le flashback sur les Walkyries affrontant Hela). Aux costumes, décors et accessoires superbement mis en avant. Et aux (quelques rares) scènes d’action suffisamment bien filmées et menées pour assurer le spectacle. Mais il les utilise surtout pour mettre en place ce qui, finalement, parait plus comme un film personnel plutôt qu’un gros produit de commande. Alors oui, le bonhomme a dû se plier aux directives du studio (respecter l’univers du MCU, ses personnages…), mais il s’est permis un bien gros délire, à la manière de James Gunn sur Les Gardiens de la Galaxie, sans toutefois le plagier comme le laissait pourtant entrevoir les bandes-annonces. Comme en témoigne la chanson Immigrant Song, qui se révèle être jouissive à chacune de ses écoutes dans le rendu final. Thor : Ragnarok n’est pas un film de super-héros made in Marvel, mais une comédie à très très gros budget qui propose des personnages hauts en couleurs qu’on n’aurait jamais pensé voir dans la série Thor (mention spéciale au Grand Maître). Dans laquelle les comédiens, aussi bien vétérans (Chris Hemsworth, Tom Hiddleston, Mark Ruffalo…) que nouvelles recrues (Cate Blanchett, Jeff Goldblum, Karl Urban…), s’éclatent comme des petits fous pour notre plus grand plaisir. Vous serez même surpris de voir certains caméos, véritablement inattendus et drôles (Matt Damon, Sam Neill...). Et surtout, le film enchaîne avec une générosité folle les situations comiques. Les gags et autres réparties hilarantes avec une telle efficacité que l’on ne s’ennuie à aucun moment. Mêmes les passages un peu lourdingues – car oui, il faut bien avouer qu’ils répondent parfois présents – passent inaperçus dans le constat final, tant le divertissement est total !
Thor : Ragnarok ne réinvente rien, ne permet pas à la franchise Avengers d’avancer et n’a pas l’écriture d’un Gardiens de la Galaxie… et on s’en fiche ! Le long-métrage est un amusement à part entière, bien plus que ne l’était Spider-Man : Homecoming alors qu’il était bien plus attendu (et aura sans aucun doute un meilleur score au box-office). Une bien bonne surprise qui en fait sans aucune hésitation le meilleur opus de la série Thor et l’un des titres les plus sympathiques du MCU. Que donneront les prochains Black Panther et – surtout ! – Avengers : Infinity War ? Ça, c’est une autre histoire.