Jamais n’avais-je vu un film avec une maîtrise telle du tragi-comique. Crème de la crème de la cringe comedy, Thunder Road se tient sur le fil de l’awkwardness. Entre rires et larmes, on ne sait plus où se mettre. La silence gênant comme ressort rythmique est exploité avec justesse. Il est l’assise des répliques énormes de Jim, du genre « she’s a real bitch » en parlant d’une enfant trisomique.


« Merci, ça me touche beaucoup » réplique plusieurs fois Jimmy (le personnage principal) à ses proches. Inquiets de le voir se noyer dans le deuil de sa mère, ils essayent de lui tendre la main : « Tu veux venir faire un barbec’ à la maison? » Il peut pas… il a piscine. Les autres ne le comprennent pas. Il ne peut pas gérer son deuil parce que le deuil, ça se gère pas. Preuve en est, la scène d’ouverture (court-métrage de base primé à Sundance en 2016) où Jim finit par se donner en spectacle aux obsèques de sa mère. Le film était un défi et il pèse d’autant plus : 2 ans après le court-métrage, le pari était de réussir sur 1h30 à faire évoluer cet énergumène à l’angoisse existentielle et à la tristesse suintante.


En filigrane, le fantôme d’une chanson : « Thunder Road » par Springsteen, la préférée de sa mère. Jim avait concocté un éloge funèbre (la chanson+une choré) en espérant qu’elle le regarde de là-haut. Il n’arrivera jamais à faire fonctionner sa radio-cassette Hello Kitty. Alors, il danse quand même en silence, le laissant assez durer pour fertiliser le rire, un rire de décalage. On le regarde, ahuri : un homme dans un uniforme de policier gesticule devant nous et nous évoque plus un bébé cadum avec une couche trop pleine qu’un homme des forces de l’ordre.


Jim Cummings est une sorte d’hybridation entre un Jim Carrey schizoïde et un Casey Affleck amorphe. Il incarne un dyslexique du cœur et nous sommes les témoins de ses maladresses qui nous plient en deux et parlent à notre vulnérabilité.


Jim n’est pas l’acteur principal, il est le film. Effondré par la mort de sa mère, il se débat. Il se débat pour ne pas se sombrer. Garder le rire sous le bras, ça lui permet de ne pas trop pleurer. Enfin il pleure à flot mais sans le rire, son corps tout entier se liquéfierait. Le ciment du film repose sur sa personnalité et son statut hors normes : un policier fragile. Une réflexion remet en question le stéréotype du bon américain bourru : un policier fragile, est-il plus humain ou juste fou?


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le 13 févr. 2019

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Justine Vignal

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