Présenté, que dis-je?, marketé comme un OFNI, écrit par des auteurs exigeants (Axelle Roppert et Serge Bozon, également à la réalisation) et bénéficiant d'un trio d'acteurs vraiment tip top pour le coup (Huppert-Kiberlain-Damiens), Tip-Top avait tout pour séduire et, pourtant, ne cesse de décevoir.
Principal problème du film: il ne lâche jamais vraiment la rampe. Il y a bien des moments de burlesque, de non-sens, de comique outrancier et quelques bizarreries poilantes. L'intrigue policière n'est certes pas vraiment résolue : l'identité des assassins et leurs motivations ne sont pas clairement explicitées, voire volontairement rendues confuses. Mais bon, ce n'est pas nouveau-nouveau ni avant-gardiste. Dans un autre genre, Le Grand Sommeil est déjà passé par là, il y a bien longtemps déjà.
Non, Tip-Top n'est définitivement pas assez barré. Si la volonté d'enrichir la dimension absurde du film par un discours sur les liens historiques entre la France et l'Algérie, sur la réalité de l'immigration et sur la France sarkozyste fait plaisir, elle constitue également la partie la plus faible de Tip-Top, travaillant involontairement contre le potentiel burlesque et le rythme du film. Car, il faut bien le dire, on s'ennuie ferme dès lors que l'on quitte François "Pourquoi t'es moche?" Damiens et surtout le duo Huppert/Kiberlain, toutes deux déployant un talent comique assez extraordinaire. Les dialogues sont, précisons-le, excellents et finement écrits. Mais pourquoi diable Bozon s'est-il éloigné de son pitch : "l'une mate l'autre frappe "? Car, tout le sel du film réside précisément dans cette opposition, confrontant le spectateur à quelque chose d'à la fois très drôle et assez mal-aisant. Bozon aurait probablement eu intérêt à fouiller dans cet interstice afin de maintenir son film dans l'absurde et le non-sens qu'il revendiqués. A la vision du film, on s'interroge en effet sur les raisons qui ont poussé le réalisateur, notamment à l'étape du montage, à ne pas voir qu'il aurait fallu resté au plus près des deux actrices pour ne pas perdre l'étrangeté, la dynamique et le rythme du film, pourtant tellement essentiel dans le genre comique.
Pas assez étrange, drôle par intermittence, Tip-Top échoue là où Twin Peaks (l'étrangeté comique qui révèle la monstruosité d'une communauté) et, aujourd'hui, P'tit Quinquin de Bruno Dumont (le tragique filtré par un burlesque à la fois tendre, bizarre et poétique) réussissent à transcender un genre ultra codifié pour devenir des œuvres à la fois exigeantes et précieuses, en dehors des normes. Si Tip Top s'en approche, le trait de l'esquisse n'est malheureusement pas encore assez assuré.