J'ai voulu l'aimer, vraiment, mais seulement je dois me rendre à l'évidence : c'est plein de défauts et je suis déçus.
Déçus parce que c'est la Palme d'or et que l'on se demande aujourd'hui si le choix de récompenser ce film n'est pas purement idéologique (réalisé par une femme, porté par des femmes, sur des thématiques qui tournent autour du genre et du corps féminin et le discours "inclusif" de Julia Ducournau à Cannes).
Déçus parce que c'est le deuxième film de Julia Ducournau après un premier chef d'œuvre, GRAVE. Qui pour moi tenait son ambition de faire naitre (huhu) un nouveau cinéma "de genre" en France en sachant parfaitement mélanger une histoire intimiste et des thématiques sociales dans une histoire un peu surnaturelle de cannibalisme.
Ici seulement, la base du "réel", la cohérence du scénario et des réactions des personnages est diffuse, dynamitée par des séquences oniriques, des abstractions, qui empêchent totalement de ressentir une quelconque émotion. Qui perd aussi pas mal dans la compréhension du récit. J'ai un doute sur l'histoire des disparitions, j'ai un doute sur le corps calciné qu'imagine Vincent Lindon, sur le personnage du pompier jaloux qui revient brûlé. On nous demande d'accepter beaucoup d'incohérences et on nous balance trop de pistes contradictoires et dans des tons trop différents. On est trop dans l'allégorie, cryptique, et ça rend le film ennuyant. Un côté roman-photo, clipesque et pop (certains plans et idées directement pompés à Xavier Dolan). On a l'impression de voir un film superficiel, d'esthète, de quelqu'un qui veut juste filmer une violence, des corps mutilés et de la beauté, mais qui n'a rien de plus à nous dire depuis Grave . Qui ne sait pas faire sens de ses obsessions et désirs de cinéma dans un scénario cohérent.
Pour autant, l'audace du film, les interprétations que l'on peut en faire, le jeu impeccable de Vincent Lindon et Agathe Rousselle et leur relation "père de substitution" qui est très bien explorée sauvent la mise. Egalement la générosité des scènes gore et l'ambiance étrange instillée tout au long du film avec une bande originale très travaillée créent parfois un semblant de magie. On croit presque au grand film générationnel, coup de poing, la tatane qui nous est vendue. Jusqu'à ce que le soufflé retombe. La fin qu'on anticipe pourtant énormément, pallie quand même à plusieurs moments d'ennuis, la naissance ou renaissance d'un monstre pour clore un récit ayant toujours fait preuve d'efficacité sur moi (Rosemary's Baby, Alien 4, Children of men...)
Ma seule crainte c'est qu'en récompensant des oeuvres certes ambitieuses, mais à ce point imparfaites et brouillonnes on en vienne à définitivement décrédibiliser la cause auprès du grand public (tant au niveau du politique qu'au niveau du manque de films de genre en France).