Le mieux que vous ayez à faire, avant d'aller voir Titane, c'est de ne RIEN lire à son sujet. Aucune critique, aucune interview, encore moins un quelconque dossier. Non, évitez. Conseil de masqué.
Histoire de garder intact chacun des ressorts du film et de conserver le plaisir d'essayer de deviner où il veut nous emmener. Car Titane ne cesse de muter, rien que lors de son premier acte, où il fait tout d'abord penser à Crash, puis à l'étrange magnétisme métallique cher à Christine, avant de prendre le virage de la virée sanglante...
Avant de décrire, comme le faisait Grave, l'immersion dans une micro-société. Film frère et film antithèse à la fois, Titane ne cesse de déstabiliser, de se faire poser des questions sur la destination finale de son héroïne, qui ne cesse de muer, tant charnellement que dans son identité, en faisant subir les pires supplices à son corps et à sa féminité.
Le tout dans un genre body horror angoissant et des plus graphiques, ponctuant une des plus étranges quêtes d'identité vues de manière récente sur grand écran, ainsi que des rapports « familiaux » de substitution aussi beaux que désespérés et finalement tragiques.
Si la réalisation de Julia Ducournau fait encore merveille, avec par exemple un superbe plan séquence en début de film, Titane ne serait rien sans ses deux interprètes centraux et leurs deux âmes blessées hantant le scénario.
Vincent Lindon n'aura ainsi jamais été aussi immédiatement attachant dans sa fragilité et son espoir illusoire, tandis qu'Agathe Rousselle stupéfie dans son incarnation rugueuse, habitée, dangereuse, ses faiblesses et ses mensonges. Si elle est en quête de sens quant à sa présence sur terre, elle n'en demeure pas moins, de manière fascinante, une figurante intimidante au trauma insondable. Un personnage de mythologie
transhumaniste (transgenre?)
dans un monde légèrement alternatif, autosuffisant et à l'atmosphère étrange, légèrement nauséeuse, où l'amour est désespérément absent, jusqu'à un final
tout aussi intime que déchirant.
Tout cela fait de Titane un film OVNI, une proposition atypique qui ne cesse de se dérober aux idées confortables du spectateur afin de construire sa propre identité, riche et viscérale, qui déjoue toutes les attentes que l'oeuvre avait suscitées.
Behind_the_Mask, under the skin.