Critique initialement publiée sur Le Con, le Culte et les Ecrans.
« I’m just a poor wayfaring stranger, Traveling through this world below »
C’est avec ces paroles du Wayfairing Stranger de 16 Horsepower que Julie Ducournau nous accueille dans son film via un labyrinthe motorisé qui n’est pas sans rappeler son équivalent synaptique dans Fight Club. Réalisatrice du sublime Grave en 2016, Ducournau est devenu en quelques années la nouvelle coqueluche du genre Francais (à raison d’ailleurs). Entendons-nous bien, le genre à toujours existé en France et existera toujours, il a juste été pendant longtemps juste mal financé, mal distribué, mal diffusé, mais aussi source d’un nombre assez fou de films ratés. Toujours est-il qu’avec quelques autres réalisateurs dont Bertrand Bonello (d’ailleurs dans le film pour permettre à Julia de Ducournau de tuer le père), le genre est revenu en force obtenant même une commission dédiée par le CNC depuis 2018.
Mais revenons à nos cylindres, Titane va nous faire suivre le parcours d’un personnage interprétée par Agathe Rousselle, danseuse sexy en diable et fétichiste des voitures, qui se révèle avoir un léger souci pour s’intégrer dans la société : c’est une sociopathe. Elle ne tue ni particulièrement pour le plaisir, ni particulièrement pour le frisson, elle tue, c’est comme ca. le film démarre donc sur les chapeaux de roues comme une plongée dans les méandres d’un esprit sans point d’accroche, sans identification possible, ou si peu.
Et puis une fois dans des petits chaussons, prêt à revivre Natural Born Killer au féminin, le film nous prend par surprise et change radicalement d’atmosphère. Nous ne sommes pas ici pour divulgâcher donc raconter le scénario serait ridicule, d’autant plus que ce même scénario n’est pas avare en incohérences de façon à garder un rythme permanent. Sachez juste qu’il est question de famille, acquise ou innée, de sexe, de genre, de parentalité et enfin d’amour.
Si le style Ducournau rappelle le Noé des grandes heures (avant qu’il ne sombre dans une auto citation permanente et gonflante), avec ce qu’il faut de scènes chic et choc, Ducournau guette toujours d’un coin d’œilleton ce qu’il l’intéresse : ses personnages. Des effets oui, trop, surement, mais surtout des hommes et des femmes qui portent un récit à bout de bras. Si Agathe Rousselle est extraordinaire d’androgynie et de fêlures, Lindon impressionne aussi en pompier toxico bodybuildé.
Titane est un film bruyant et clinquant comme un concours de tuning en plein mois d’août, mais c’est avant tout pour mieux nous cueillir lors d’une macarena ou d’une scène de danse bouleversante par exemple. Et puis arrive la fin, celle qui fait basculer le film dans le fantastique pur. Critiquable, mais réussie, cette fin donne l’impression d’avoir vu plusieurs films en un. Un Cronenberg (la filiation avec crash est assez évidente.), un Noé, un Fincher, le tout parfaitement digéré et mélangé.
En voulant se sortir du piège récurant du deuxième film, Ducournau en tente beaucoup, peut être trop, mais un tel déluge d’énergie et de rage pure ne laisse pas indifférent. Titane ne sera jamais le grand film qu’a été Grave, la palme d’or incontestée ou même le film d’une génération. Il est en revanche un des meilleurs, si ce n’est le meilleur film de 2021, et c’est déjà pas mal.
« There is no sickness, no toil, nor danger In that bright land to which I go »