Après tout le buzz sulfureux suscité par ce film, je m’attendais au pire. Certains de mes éclaireurs avaient mis des mauvaises notes et la bande annonce ne m’avait pas spécialement donné envie de le voir. Mais la Palme de Cannes m’intriguait et me rendait curieux (oui, je sais, la curiosité est un vilain défaut et l’habit ne fait pas le moine, mais bon…)
J’avais déjà vu Grave, le précédent long métrage de Julia Ducournau, que j’avais trouvé original, pas trop mal foutu pour un film gore, quoiqu’assez inégal et même ridicule par moments. Là, je ne m’attendais pas à aimer et me préparais même mentalement à passer un moment difficile. Je m’imaginais déjà écrivant une critique acerbe quelques heures plus tard du style :
" Ce film est une grosse merde ! Il a eu la Palme parce que Spike Lee voulait récompenser une femme et faire le buzz avec un film trash ! C’est un scandale, c’est une vraie daube, n’allez pas le voir ! "
Pour couronner le tout, je dois avouer que ce genre de films (le film de genre) n’est pas vraiment mon genre et que celui-ci, en plus d’être considéré comme un film de genre, avait la réputation d’être un film qui mélange les genres gore, flippant, irrationnel, ce qui n’avait rien d'engageant pour moi.
Je m’attendais à un film extrêmement violent et sur ce point le début remplit largement le cahier des charges. C’est assez éprouvant, mais comme j’étais prévenu, j'ai plutôt bien encaissé la chose. La violence est suffisamment esthétisée pour être acceptable, même s’il ne faut pas être trop sensible au vomi ou au sang qui coulent, ni aux objets pointus plantés dans la tête.
Comme dans Grave, Julie Ducournau est toujours travaillée par le corps qui se transforme et la thématique du monstre. Les identités sexuelles sont également au cœur de ses préoccupations.
Titane est plus violent et encore moins réaliste que Grave, mais certainement mieux construit avec moins d’invraisemblances, même s’ Il faut parfois s’accrocher pour y croire ou ne pas pouffer de rire comme lors de la séquence finale où ce qu’on voit est (involontairement) grotesque, surligné par une musique pompeusement dramatique. Mais il y a aussi de l’humour volontaire qui a le mérite de détendre l’atmosphère, comme dans la séquence du sauvetage d’une femme qui fait un arrêt cardiaque. La relation père/fils et père/fille est également au cœur du sujet et permet de donner un peu d'humanité aux personnages.
Alors bien sûr il y a des maladresses dans Titane et la morale de l’histoire (il faut être tolérant avec les monstres et leur donner de l’amour) frise la sensiblerie par rapport à toute la violence qu’on a eu à subir, mais il faut saluer l’audace et l’originalité d’une telle œuvre (même si on sent fortement l’influence de Cronenberg), son rythme et sa tension soutenus, ses comédiens, Agathe Rousselle et Vincent Lindon, impeccables, sa photo travaillée, ainsi que le savoir faire de la mise en scène . La B.O, et le traitement du son en général sont également très bien.
Un petit aperçu : She's not there des Zombies ; https://www.youtube.com/watch?v=_2hXBf1DakE
Tout cela concourt à donner un ensemble assez intense et singulier.Titane aurait, à mon avis, fait un très bon Grand Prix d’Avoriaz. Une Palme à Cannes est sans doute plus discutable, mais je pense que Spike Lee et son jury ont voulu récompenser un film choc,moderne, féminin qui parle plus aux sensations qu’à l’intellect.