Titane c’est un 10/10 et c’est tout. La palme est plus que méritée. J’en veux aux critiques de chercher des subtilités de langage quand tout est cinématographiquement démontré dans le film.
La réalisatrice, Julia Ducournau, dont le pseudo le plus crédible est « poupée Barbie punk », a pensé son deuxième long dans un scénario minimaliste, pas plus de quarante pages. Le peu de texte et de développement narratif révèlent pourtant un univers complet, fin, sociétal et pas bégueule :
* une psychopathe dont on ignore si elle est psychopathe parce qu’elle l’est devenue ou si c’était originel – le tout à travers la relation au père biologique. (Discussion tendu avec un.e ami.e : je maintiens qu’elle a été violée par le père, mon ami.e maintient que pas du tout) ;
* l’amour – à travers le lien filial radicalisé entre le père et son fils/ sa fille ;
* l’affection d’un proche détruit : la mère d’Adrien qui accepte le remplacement absurde, sous réserve de prendre soin de son ex-mari (court et absolument génial niveau psychologie humaine) ;
* le genre : pas de réponse toute faite, ni pro-LGBT+ ni mise en perspective critique. Non. Les humains sont non-identiques les uns aux autres, le transfert de sexe, de sexualité, d’identité est propre aux circonstances, dans des personnages qui vivent et non pensotent.
* le féminisme : idem que pour le genre, rien n’est théorique. Alexia assassine des hommes et des femmes, sans distinction, si ce n’est que les hommes lui offrent plus d’occasions que les femmes. Ici, un appel à la méfiance de Barbie punk : faites gaffe, derrière une femme que vous harcelez, se cache peut-être une psychopathe (coucou à la tribune du Monde du 9 janvier 2018 sur le « droit d’importuner », qui est inévitablement un « droit de péter des gueules à ceux qui prennent le droit d’importuner, [de harceler, de violer] »).
* l’érotisme : ce n’est pas exactement l’amour, ce n’est pas exactement le sexe, c’est une séduction latente et omniprésente. L’homo-érotisme est brillamment narré dans les scènes de danses, et méta-narré dans la scène de gêne lorsqu’on force Adrien, « le pédé », à danser sur le camion ;
* l’humour : on rit !
* l’humain : impossible de résumer en une phrase aucun des personnages ;
* le monstre : l’humain épouvantable en pleine lumière, et moins monstrueux que les humains dans l’ombre de leur médiocrité.
Les thèmes sont vastes et incroyablement traités par l’absence de jugement de la caméra. Le scénario est parfait parce que ce n’est qu’un scénario. Ce qui se produit à l’écran est bien plus intense. La lumière est juste, pas démonstrative, adéquate et variante comme un état d’esprit. Chaque plan mêle la fusion d’un personnage dans son environnement, à la fois mental et extérieur. Le monde, nous dit Barbie punk, ça se subit et ça se transforme par nos rages.
Le son est encore plus prenant. Les bruitages enveloppent les actions et les destructions de soi, les accompagnent et les expriment à travers un sens qu’on sous-développe dans la saturation ambiante. Ça gratte les bandes pour cacher ta grossesse ?! Prends-toi un travail sonore avec frisson !
La réussite de ce film, c’est sa radicalité et sa délicatesse.
Et puis, je vous mets au défi de trouver deux personnes qui ont la même interprétation de ce film – l’ayant aimé, détesté, pas compris ou ayant subi l’émotion des personnes à côté.
Réveillez-vous !
C’est un chef-d’œuvre !
Et merde aux sceptiques
(dont pourtant je fais partie)