Le film est bien plus intéressant pour ce qu'il représente dans son contexte historique, à savoir une œuvre de propagande nazie commandée par Joseph Goebbels, que pour ce qu'il raconte, disons-le, assez platement. Chose étrange, je remarque que j'ai mis la même note à la version de Cameron alors que les films n'ont absolument rien en commun, au-delà de leur titre... Les différences sont mêmes radicales. Rapprochement étrange.
Le film est tout entier destiné à dénoncer la cupidité des Anglais en cette douce année 1943. De riches actionnaires britanniques (mais qui parlent allemand, complexifiant ainsi la lecture du film dans son introduction : c'est le monde à l'envers par rapport aux choix artistiques hasardeux en matière de linguistique cinématographique dans le paysage hollywoodien contemporain), alors qu'ils contemplent le cours de leur valeur en chute libre, décident de se lancer dans quelques magouilles d'actionnaires classiques proches du délit d'initié et autres spéculations financières en vendant leurs actions liées à la compagnie qui assure les voyages du Titanic. Le but étant de les racheter par la suite, à la hausse espèrent-ils, après la traversée de l'Atlantique qu'ils pensent être un succès et même un record. Durant tout le film, il n'y aura que de ça : des Anglais cupides, avares, égoïstes, traitant les femmes comme des objets et faisant preuve de manière générale d'un altruisme relativement modéré. À l'inverse, Petersen, le seul personnage allemand, semble quant à lui d'une intégrité sans borne, aimable, courtois, alerte, d'une humanité sûre. Il sauve une petite fille quand le bateau coule, il aide sa fiancée à embarquer sur un canot au milieu la catastrophe, et se retrouve même presque sauvé du naufrage malgré lui. C'est lui-même qui prononcera le discours moral final, au tribunal, condamnant le financier britannique lors de son procès.
C'est une situation assez drôle, avec le recul dont on peut bénéficier, car on aurait pu être tenté de se ranger du côté de l'allégorie nazie, dans un autre contexte, tant elle s'acharne corps et âme à décrire les dérives en bourse du système capitaliste... Mais le carton final est sans appel : "The deaths of 1,500 people remain unatoned for an eternal condemnation of England's quest for profit."
C'est une superproduction, à n'en pas douter, produite la même année que la version originale des "Aventures fantastiques du baron Münchhausen", qui étaient quant à elles bien éloignées de cet aspect-là, à savoir une charge anti-britannique virulente. Ceci étant mis de côté, il y a une certaine élégance dans la description du faste de la vie sur le paquebot ou tout semble graviter autour du luxe et des personnalités les plus fortunées à bord. Le film s'attarde aussi sur les citoyens de seconde zone, sur les inégalités criantes dénoncées de manière un peu trop ostensible, mais aussi on le devine sur le sens du sacrifice et sur la supériorité morale de ce qu'on imagine être une représentation détournée de la race aryenne (le couple qui refuse de se séparer). Herbert Selpin, le premier réalisateur du film, sera retrouvé "suicidé" (guillemets de rigueur) dans sa cellule après avoir été arrêté pour ses sarcasmes sur la guerre et sur la Wehrmacht.