Titanic offre une oeuvre-monde en huis-clos sur un Atlantique glacial et sans reproche. L'histoire, inutile de la détailler plus avant elle est connue de tous. Le paquebot coule toujours à la fin et inonde le spectateur de part en part grâce à une façon de faire du cinéma qui n'existe que grâce à James Cameron.
Son cinéma est technologique, grandiose, universel, et humain. Ces qualificatifs sont toujours accompagnés de défauts mais c'est son cinéma. Titanic fait la somme de tout cela en une quasi-transatlantique. Cette somme se noue dans un visuel éclatant et une précision pouvant presque conférer au film des faux airs de papier glacé. Si encore aujourd'hui le film est éclatant visuellement c'est parce que Cameron a toujours un coup d'avance sur le cinéma à venir. Il engendre bien plus qu'il ne répète les prouesses de tournages des autres. Il suffit de voir les quelques photos des coulisses des suites d'Avatar. Si l'écran ne nous saute pas à la figure c'est qu'il se sera planté. Regardez même Alita Battle Angel du coin de l'oeil, c'est technologiquement empreint de la patte de Cameron et ce film restera visuellement supérieur à beaucoup d'autres en termes de CGI.
Au delà du visuel Titanic marque également par son exposition d'une certaine vision en castes de cette société temporaire faisant croisière vers la société américaine. Cette vision, ou ordre des choses bien réel pour lui, se heurte au grand enfouissement sous-marin après collision avec l'iceberg sur fond d'égo mal placé d'un grand manitou avare de battre le temps record de la traversée de l'Atlantique. Là s'ouvre pour le spectateur la possibilité de réfléchir à sa propre époque. Une réflexion simple certes mais pas simpliste. Qui monterait dans un canot, qui laisserait sa place, qui userait de stratagèmes déshonorables, qui remonterait sauver un grand amour, qui retournerait l'arme contre soi, qui jouerait de son instrument en contemplant le chaos qui se dessine ? Au delà de ces choix impossibles se met en place un rapport entre le présent et le passé : cette Rose entre deux âges. Réellement, au cinéma, y a-t-il plus émouvant que les yeux d'une personne au crépuscule de sa vie repensant à l'avant, surtout un passé vécu il y a si longtemps par le personnage ? Repensons un peu à la centenaire Gloria Stuart qui aujourd'hui n'est plus mais qui restera à jamais dans ce film-monde pour inviter chaque spectateur à monter à bord du Titanic encore une nouvelle fois.
Bible cinématographique car il fourmille d'intrigues, de personnages, de détails. Il se laisse même l'espace suffisant pour embrasser du bout des lèvres un autre genre cinématographique dans la dernière partie car il ne va plus s'agir de vivre mais de survivre. Un filet d'eau insidieux et rampant puis de forts torrents engloutiront ce petit monde perdu dans l'espace marin. Film-monde qui n'en devient pas hystérique ou engoncé car il ne se laisse jamais dépasser par sa propre grandeur. En se parant de proportions idéales pour chaque étape narrative le film déjoue sa propre inertie dont on sait l'issue historique avant même les explications en CGI de l'équipe de "pilleurs d'épaves". Trois heures et quart plus tard a été mis en scène devant nous le fait que rien ne dure, que tout passe en un instant et que le coeur de l'océan en est déjà revenu à ses abysses.
En définitif Titanic peut être mal-aimé, ou du moins ne pas être apprécié à sa juste valeur, tant il est aisé de ne le considérer que comme une énième histoire d'amour ayant marqué celle du cinéma, à réserver pour des dimanches après-midi interminables. Malgré tout les films catastrophe doublés d'une romance résolument libératrice et, qui plus est, ne croulant pas sous leur propre poids sont rares et précieux pour le cinéma moderne. Tout comme James Cameron.