Of course, the experience of it was somewhat different.
Je me rappelle très bien de ma première vision de Titanic. Nous n'étions plus que deux au sein de ma classe de 5ème à ne pas être allées voir le phénomène, et ma camarade a presque du me trainer au cinéma. Une histoire d'amour, qui dure plus de 3h et dont on connait la fin ? Pitié....
Ce fut le premier film de ma vie que j'allai voir une seconde fois au cinéma. Car au sortir de la salle, je n'avais absolument pas vu le temps passer, ou plutôt, j'avais passé trois jours avec tous ces gens, le plus naturellement du monde. J'étais montée à bord du paquebot et j'avais coulé avec lui, complètement prise dans le film d'un bout à l'autre. Je me rappelle aussi comment ma mère, l'ayant boudé car le craignant hollywoodien / commercial, et le découvrant quelques mois plus tard en vidéo, regrettait profondément de ne pas l'avoir vu au cinéma.
Et j'ai réalisé comme il ressortait que j'avais beau avoir le DVD dans un coin de mon étagère, je ne l'avais pas revu depuis près de 14 ans. Pas que les occasions aient manquées, mais qu'une partie de moi savait que ce film était fait pour la salle de cinéma. Ou qu'une autre ait peur que le temps ait abimée sa foi dans ce film, peur que le revoir le gâche à jamais.
Une ressortie 3D apparait souvent là encore comme un geste commercial, et certains films en 3D post-prod compte parmi mes pires expériences rétiniennes. Mais s'il y avait un cinéaste à qui je faisais confiance pour ne pas utiliser la technologie en vain, c'était James Cameron.
C'est toute seule et le nez chaussé d'une seconde paires de lunettes que je suis donc remontée à bord. Pour constater dès les premières minutes sous l'eau à quel point la 3D seyait Titanic. Spectaculaire dans les scènes en sous-marin, intimiste sur la piste de danse, vertigineuse quand le paquebot se met à la verticale, elle est à la fois bluffante et d'un incroyable naturel, comme si on avait toujours vu le film ainsi. Bien sûr il arrive une fois ou deux que le découpage plan / arrière plan soit marqué de façon un rien bizarre, mais en toute bonne foi il n'y a pas grand chose à redire à ce travail de conversion titanesque d'autant plus que....
on s'en moque.
... Vous savez ce qui est vraiment magique ? C'est qu'arrive un moment où vous oubliez totalement être venus voir ce que le film donne en 3D, pour juste voir le film. Revivre l'expérience sur grand écran, réaliser que 15 ans plus tard, il n'a rien perdu de sa magnificence. Que tout fonctionne comme au premier jour, de Jack et Fabrizio gagnant leurs billets au poker en se pensant "les hommes les plus chanceux du monde", au naufrage du bateau broyant le cœur comme peu de spectacles au cinéma. En passant par la fête irlandaise en 3ème classe ou la très sensuelle scène du portrait, Rose et Jack regardant des dessins sur le pont, Jack enseignant à la dame comment cracher puis apprenant dans quel ordre utiliser de multiples couverts... Rose sautant hors de son canot de sauvetage pour rejoindre Jack sur un bateau qui coule.
Au fond pour moi Titanic tient tout entier dans cette réplique d'une Rose centenaire,, à qui un informaticien sans grand tact vient de montrer une impressionnante modélisation de la chute du navire comme sans réaliser qu'il parle à sa dernière rescapée : "Thank you for that fine forensic analysis, Mr. Bodine. Of course, the experience of it was... somewhat different.". Et la force du film, c'est de permettre cette expérience. C'est aussi de créer un sentiment de suspens, et un espoir, une foi qui demeure malgré tout jusqu'au bout alors qu'on sait, qu'on vient nous aussi de voir cette modélisation sans âme et sans erreur d'un événement historique qui tient de la catastrophe accidentelle autant que du drame social pur..
Car Titanic n'est pas seulement une histoire d'amour. En premier lieu il demeure pour moi l'histoire de sa narratrice, de sa conteuse qui change de vie (voire commence à vivre) à bord, mais il est aussi une fabuleuse photographie d'une époque contrastée, de l'existence de classes à armes inégales dans leur lutte, entre elles comme pour leur propre survie. Titanic compte vraiment parmi ces films qui vous font retenir des cris de rage face à l'injustice de la chose
Alors bien sûr que c'est pas absolument parfait, que Cal est un méchant aussi surécrit que surjoué, que les adieux à rallonge de Jack et Rose donnent un peu trop dans le pathos. Là encore, on s'en moque. Parce que la conclusion de cette histoire d'amour n'est pas la mort de Jack mais la résurrection de Rose, qui lui prend son nom et son gout pour la liberté. Dans l'eau et dans le noir, ce moment qui sert le cœur n'est pas le corps de l'un coulant à pic mais le corps de l'autre retournant dans l'eau glacée, nageant jusqu'au sifflet, hurlant sans voix qu'elle est toujours en vie.
Et si tout n'est pas parfaitement écrit, tout reste parfaitement scénarisé, avec un rythme et un découpage très pensés qui permettent une immersion totale malgré les allers-retours passés / présents de la narration (le montage est fabuleux, les transitions géniales). Inutile que je revienne sur une mise en scène largement disséquée au cours des années, d'un souffle absolument épique et ce même avant que le bateau ne heurte l'iceberg. Il est juste impossible de nier que James Cameron est un immense cinéaste, qui rappelle une vérité qu'on tend à oublier : "hollywoodien" n'est pas forcément un adjectif péjoratif. Hollywood est peut-être la plus grande machine à fric de l'Histoire, elle n'en demeure pas moins une terre promise des conteurs et des magiciens.
Et donc oui, je me suis retrouvée à pleurer devant Titanic.,Pas aux mêmes endroits qu'il y a 15 ans peut-être, dès ce moment où le dernier musicien sur le pont entame un dernier morceau et où l'ensemble de l'orchestre se reforme autour de lui, le superbe montage qui suit, s'attardant sur tous ceux restés à bord, et jusqu'à la toute fin, ce superbe plan qui voit la Rose centenaire rejeter à l'eau le "Cœur de la mer". En fait je n'ai pas seulement pleuré à d'autres endroits, mais bien plus que la première fois, où la moi-gamine ne voulait pas que ça se voit, parce que 15 ans plus tard, je m'en moque, je n'en ai pas honte. A vrai dire c'est même quelque chose qui m'a profondément rassurée, émue autant que le film lui-même, d'être toujours capable de pleurer devant.
Voilà ce qu'est pour moi Titanic en 2012, une solide preuve que je ne suis devenue ni blasée ni cynique. Bien sûr mon regard s'est affiné au cours des quinze dernières années, parce que mon rapport au monde change.., Mais quand bien même je suis aujourd'hui plus au fait de ses codes, de ses mécanismes, de ses trucages, il semble que mon rapport au cinéma n'ait pas, lui, en soi changé., Sa merveilleuse magie marche toujours et plus que jamais sur moi.
Et si Titanic ne vous fait pas cet effet là, que vous le trouvez aujourd'hui surestimé, mièvre, "hollywoodien" en considérant ce mot comme une insulte...
ça n'est pas grave.
Tant qu'il existe un autre film, un autre livre, une autre chanson, quoi que ce soit capable de vous faire réaliser que vous n'êtes ni cynique, ni blasé. Toujours sensible à la magie.
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