Le succès a ses raisons que la raison ignore

Je n'arrive pas à comprendre pourquoi j'aime ce film. James Cameron est pourtant grossier dans son approche du mythe du Titanic : budget énorme, Céline Dion au chant, un fiancé insupportable et caricatural, une débauche de clichés et de phrases convenues mais ça marche. Ca marche miraculeusement.


La première partie est superbe, pleine d'émotion : la découverte de l'épave du Titanic sous les eaux, une chasse au trésor où on retrouve le mystérieux dessin d'une femme et cette femme, alors centenaire qui appelle pour venir raconter son histoire. Et quelle histoire ! La reconstitution est, il faut le dire, superbe, dans le moindre détail, salons, cabines, ponts, et bien sûr les personnages réels qui étaient sur le bâteau. On découvre ce monde par le regard de cette vieille femme, alors âgée de 17 ans. Tout est si minutieux dans le détail que l'on se demande comment parfois, à l'inverse, Cameron tombe dans des clichés grotesques.


Tout devrait m'agacer déjà entre la bétise absurde de Cal, le fiancé, et qu'on déteste immédiatement tant il transpire la haine, les tableaux de Picasso et de Monet qui sortent de nulle part, les allusions très avant-gardistes dans la bouche d'une jeune fille de 17 ans à Freud ou Picasso qui est insupportable madame je sais tout, et qui me paraissent absolument pas crédibles, les paroles convenues et le clichés sur la upper-class qui distribue des pourboires à tout va avec condescendance. Mais on arrive à passer outre. Il y a comme une vague dans ce film titanesque qui emporte tout, le bon et le mauvais.


Même l'histoire d'amour frise la catastrophe. Le jeu des deux acteurs heureusement sauve le nauvrage pour quelques instants, et l'émotion, mieux amenée que je ne veux bien l'admettre finit par l'emporter. Au fond elle fonctionne parce qu'elle est une histoire rêvée, parfaite, idyllique, l'amour à l'état pur, la passion la plus ardente, la plus naturelle. C'est au fond une histoire d'amour simple, bâteau (ahah), mais qui finira par tomber, littéralement, à l'eau.


La seconde partie est spectaculaire, terrible et la catastrophe nous happe. Un autre film commence à cet instant là, un film catastrophe avec sa débauche d'effets spéciaux. L'angoisse et la tension montent. On voit irrémédiablement Rose et Jack se dépatouiller dans l'eau froide. La tragédie n'est pas loin. A grand renfort de reconstitutions pharaoniques (comme cette maquette géante du Titanic, à un tiers de l'échelle que Cameron a fait construire pour ensuite la faire couler), il parvient à produire un film catastrophe particulièrement palpitant et j'avoue assez dur émotionnellement à regarder car je finis toujours par pleurer, si bien que j'arrête le film toujours avant la fin. Chut !


Le binarisme du film est sa force. Sa longueur aussi. Il prend le temps d'installer, presque jusqu'à l'ennui, la romance, comme pour mieux la détruire dans un élan cruel. Et c'est pour moi ce qui fait probablement le secret de sa réussite. Et malgré sa lourdeur pataude, Cameron reste un formidable faiseur. Sa mise en scène oscillant entre le classicisme et le spectulaire est suffisant remarquable pour parvenir à ressuciter le mythe du plus célèbre bâteau nauvragé du monde. A la manière d'un détective, et c'est peut-être ça le point fort du film, Cameron revit, par le truchement de ses personnages, et avec nous, la formidable tragédie. Cameron a des défauts. Mais il a retenu une chose du cinéma, une chose fondamentale : la magie. Et la prestidigitation marche, durant 3 heures.

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le 15 janv. 2016

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Tom_Ab

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