L’inde. Ses océans de taudis, vastes étendues de maisons défraîchies faites de bric-à-brac, sa jingle urbaine enchevêtrement d’immenses immeubles de béton et l’enfer de sa circulation, flot incessant de deux roues poussiéreux, de bus bringuebalants et de voitures vieillissantes.
L’inde. Ses mariages forcés, planifiés, négociés, rémunérés, sa structure familiale omniprésente, omnisciente, oppressante et ses femmes au rôle passif, ignorées, bafouée, abusées.
L’inde. Ses businessmans amoraux vivant dans les beaux quartiers, ses commissaires corrompus qui piochent partout où ils peuvent piocher et ses petits malfrats des bas-quartiers prêts à tout pour s’en sortir.
L’inde. Ce monstre difforme aux mille visages.
Pour son premier film, Kanu Behl dépeint une Inde rongée par un système en place et une culture familiale non seulement dépassés, mais potentiellement dangereux. Une Inde multi-facette représentée dans un rythme lent au montage sec entrecoupé de brèves explosions de violence. Entre contemplation et brutalité. Une Inde omniprésente qui prend le dessus sur une trame narrative qui tourne assez rapidement en rond.
Titli est prêt à tout pour échapper à la pauvreté, à son quartier misérable et à la violence de sa famille. Titli est le petit dernier d’une fratrie de trois frères voleurs de voitures, vivant ensemble dans une maison exigüe, mi-construction, mi-récupération, sous le contrôle silencieux du père. Titli est entraîné dans les combines familiales qu’il rêve de fuir, puis est obligé d’épouser Neelu pour aider le business criminel familial. Mais Neelu est déjà amoureuse d’un autre. Neelu, elle-aussi, est prête à tout pour réaliser ses rêves de liberté. Entre le frère aîné tyrannique en instance de divorce qui doit faire vivre la famille, le second à l’homosexualité à moitié cachée d’aspect plus calme mais qui soutient la cruauté de son frère, le père silencieux qui règne comme un prince sur sa triste famille, et les jeunes mariés, tout n’est que mensonges, tromperies et duperies. Jeux de dupes et coup de putes. Personne n’est prêt à remplir ses obligations à moins qu’il y soit obligé. Chacun joue au mieux ses cartes pour servir ses intérêts. Chacun est prêt à tous. Pour s’en sortir. Pour s’enfuir. Pour se libérer. Pour vivre. Pour survivre.
Marteaux, crachats et brosses à dents.
Le coup de force du réalisateur est de parvenir à rendre les membres de cette famille au comportement pitoyable et parfois répugnant, toujours compréhensibles, si ce n’est attachants. Chaque membre a ses failles. Chaque membre a ses motivations. Chaque membre est enfermé dans le rôle qui est le siens. Chaque membre est piégé par un déterminisme social tyrannique.
L’atmosphère sordide et les conditions miteuses du taudis dans lequel vie la famille est l’autre point fort de Titli. Une atmosphère sordide accentuée par une image granuleuse de film de gangster des années 1970 combinée à une approche très intimistes, mettant l’accent sur la vie de tous les jours. Les scènes de repas avec sauce partout sur les doigts, de brossage de dent avec filets de bave et les séances de crachats gutturaux particulièrement bruyants s’enchaînent inlassablement et finissent par lasser, par ennuyer, par exaspérer.
Le portrait réussi, à défaut d'être passionnant, d’une Inde déchirée entre un héritage culturel écrasant et la rapide modernisation de sa société.