La publicitaire Kelly Jones (Scarlett Johansson, radieuse) est contactée par le gouvernement des Etats-Unis (incarné par l'hilarant Woody Harrelson) pour aller redorer le blason de la NASA, encore hantée par l'accident mortel d'Apollo 1, alors que le lancement d'Apollo 11 approche à grands pas. Elle se heurte vite au directeur de la mission, Cole Davis (Channing Tatum). Au-delà de leur rivalité, un amour bien réel commence à naître, mais les exigences de plus en plus folles d'un gouvernement américain prêt à tout pour assurer le succès - au moins apparent - d'Apollo 11 va rapidement l'entraver...
On avait été très agréablement surpris par la sortie de The Fall Guy cette année, et la volonté du réalisateur David Leitch de réintroduire un peu de glamour avec le génial couple Ryan Gosling/Emily Blunt dans un cinéma qui s'en était assez largement détourné. On est plus que ravis de voir un nouveau film prendre la relève en nous ramenant aux grandes heures du glamour des années 60, avec un tout nouveau couple iconique Channing Tatum/Scarlett Johansson. C'est en effet l'aspect le plus plaisant du film : le couple principal possède l'alchimie des grandes heures de Cary Grant ou d'Audrey Hepburn. Si ses interprètes ont leur propre personnalité, qu'ils réussissent à faire vivre sans être dans la copie pure de leurs modèles, il est plaisant de voir qu'en 2024, on est toujours capable de recréer ce type de romance intemporelle, où l'amour se traduit par une joute oratoire incessante visant à prendre le dessus sur l'autre, et où la tendresse s'exprime autant au travers d'un baiser langoureux au bord de l'océan que par des mensonges auxquels on fait semblant de croire et des disputes dont l'intensité n'a d'égale que leur courte durée.
C'est tout le génie de la sublime Scarlett Johansson de réussir à retrouver l'étincelle pétulante d'une Katharine ou d'une Audrey Hepburn ou d'une Shirley MacLaine, et celui de Channing Tatum d'allier le côté "faux mâle dominant, vrai tendre" d'un Robert Mitchum ou d'un Gregory Peck, par exemple. Ainsi, les deux acteurs se glissent avec une aisance inattendue dans la lignée de leurs grands modèles.
Mais Greg Berlanti n'est pas en reste, et il réussit le prodige de reconstituer tout le charme glamour des années 60, à l'aide d'un scénario bien pensé, qui convoque tout l'héritage du meilleur de ces années. Ainsi, on passe de la comédie au drame, non sans quelques touches plus discrètes de thriller et aucun de ces aspects n'est jamais bâclé, recréant à merveille l'atmosphère typique de la période.
Berlanti est bien aidé en cela par un des plus grands directeurs de la photographie d'aujourd'hui, Dariusz Wolski. Le chef opérateur des Pirates des Caraïbes de Verbinski, Sweeney Todd, ou des films de Ridley Scott depuis 12 ans réussit à reconstituer les années 60 avec une vie et une exubérance qui n'en font jamais trop. Il est d'ailleurs admirablement secondé par Daniel Pemberton qui - une fois n'est pas coutume - nous offre une bande originale renouant avec le dynamisme électrisant de l'époque.
Là où To the Moon est sans doute le plus agréablement surprenant, c'est lorsqu'il arrive à nous proposer une réflexion sur le mensonge, la vérité et leur place dans nos sociétés contemporaines (quand bien même le film se déroule en 1969). Il alterne ainsi dans un incessant match de ping-pong le récit intime de personnages en quête de vérité et d'identité perdus dans une société où le mensonge est devenu la norme et le portrait effrayant d'un gouvernement américain profitant du bannissement de la vérité au sein de la société pour essayer de toujours mieux contrôler les populations.
Sans jamais nous amener du côté des théories du complot (on adore tout de même la réplique de Kelly en pleine préparation de tournage du faux alunissage "On aurait vraiment dû engager Kubrick !") mais aussi sans discours moralisateur, le film de Berlanti s'amuse à brouiller les pistes tout en nous rappelant à quel point il est essentiel de ne pas transiger avec la vérité.
Finalement, c'est là tout le génie de To the Moon : dans sa capacité à ne jamais tomber de la corde raide sur laquelle il marche. Lorsqu'il articule le récit de deux cœurs qui se cherchent, celui d'un pays dont tous les regards sont tournés - peut-être pour la première fois - dans la même direction et celui d'une Humanité qui parvient à fouler du pied un territoire que son œil a pourtant déjà colonisé depuis longtemps, dans tous ces moments, le film de Greg Berlanti touche au sublime.
Et au passage, le réalisateur n'oublie pas de nous rappeler la fonction première du cinéma qui, peut-être, pourra s'avérer demain l'outil par lequel on pourra à nouveau unir une Humanité plus divisée que jamais : faire rêver.