Toad Road
5.2
Toad Road

Film de Jason Banker (2013)

Tourné avec un budget très modeste et des comédiens amateurs recrutés sur Myspace, "Toad Road" nous met, dans les premières minutes, sur la piste d’un found footage, avec sa caméra numérique tremblante au poing, avant de revenir à une réalisation plus élaborée, mais toujours avec cette qualité d’image brute et réaliste. Banker, le réalisateur, a d’abord été documentariste avant de s’essayer à la fiction et cela se voit, il en a gardé quelque chose dans la forme et qui en fait l’originalité. D’autres éléments issus de la réalité, comme l’ajout au montage de vraies vidéos Youtube touchant au sujet traité (et filmés directement sur un écran d’ordinateur, toujours dans cette optique de caméra subjective), renforcent cette alchimie entre les genres.

Il y a quelque chose qui rappelle un peu Gus Van Sant dans la manière qu’a Banker de présenter la bande de jeunes gens qui occupent son attention durant toute la première partie du film ; il expliquera d’ailleurs qu’il s’est inspiré d’expériences de sa propre jeunesse parmi les tribus de skaters, soit une catégorie de personnages (dans le look et le mode de vie) très proche des héros de "Paranoïd Park" de Van Sant. S’ennuyant à mourir dans la petite ville de York, les jeunes protagonistes passent le plus clair de leur temps à consommer tous les types de drogues imaginables, de l’acide aux champignons hallucinogènes, et s’adonnent à quelques autres activités aussi épanouissantes que celles consistant à se passer des préservatifs dans les narines ou à se brûler les poils pubiens. Le changement survient peu à peu lorsque Sara, une fille de la ville, s’intègre dans leur petit groupe et séduise James, l’aîné de la bande. Toute néophyte qu’elle soit sur la question, elle se prend de passion pour l’expérimentation de diverses drogues, obsédée par l’idée d’atteindre un autre état de conscience. La suite s’inspire d’une légende urbaine de la région selon laquelle, en marchant de nuit dans la forêt longeant un chemin appelé Toad Road, il est possible d’accéder successivement aux sept cercles de l’Enfer. Une plongée graduelle et cauchemardesque dans une sorte de folie dont on ne sait plus tellement, lorsqu’elle apparaît, s’il faut l’attribuer à l’élément fantastique du film (pour autant qu’il y en ait un) ou aux hallucinations toxicomaniaques de ses personnages.

Le ton général est assez anxiogène, on ne sait jamais au juste lorsqu’on est sorti du trip ou lorsqu’on y est encore, les plans bruts étant souvent entrecoupés de flashs plus élaborés et plus spectaculaires. On appréciera le choix attentif des lumières naturelles qui, dans certaines scènes (James marchant seul à l’aube au bord de la route ou filmé de profil en voiture au moment où le jour se lève), confèrent une certaine densité à l’atmosphère générale. Un film à conseiller à ceux qui s’intéressent au renouvellement du cinéma indépendant américain.
David_L_Epée
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le 17 mai 2014

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