J.R.R. Tolkien ! Le grand, le seul, l'unique ! Le Père de la Fantasy moderne, celui qui a redessiné les codes de la Fantasy, celui qui a inspiré et ouvert la voie à une production plus que conséquente ; mon auteur de Fantasy favori ! Professeur d'université, poète et auteur britannique, on lui doit les célèbres romans Bilbo le Hobbit et bien évidemment Le Seigneur des Anneaux. Il semblait évident, pour un tel nom dans un tel milieu, de lui rendre hommage en proposant un biopic. C'est ainsi qu'en 2019 sort dans les salles obscures Tolkien, réalisé par Dome Karukoski, retraçant la vie extraordinaire du plus extraordinaire auteur de Fantasy que le monde ait connu. Du moins... aurait-il dû raconter la vie. Loin l'idée d'exprimer une quelconque déception, et peut-être manipulé par des mythes tenaces sur l'auteur, je ne m'attendais pas du tout à ce que le réalisateur susnommé propose dans son œuvre. Alors, que dire et qu'en tirer ?
Tolkien est donc un biopic de l'auteur éponyme contant notamment la jeunesse du garçon, depuis son arrivée à Birmingham jusqu'à sa mobilisation pour la Somme lors de la Première Guerre Mondiale. De cette période nous est montré sa rencontre avec Edith Bratt, la formation du T.C.B.S. avec trois de ses meilleurs amis, sa collaboration avec Joseph Wright et, bien entendu, les premiers épisodes créatifs concernant la légendaire Terres du Milieu.
Pas plus de spoil - et en même temps, pour un biopic, qui a-t-il à spoiler ?
Qu'on se le dise immédiatement, nous avons ici un travail remarquable avec une observation plutôt précise de certaines années de l'existence de Tolkien : une jeunesse plutôt compliquée où sa mère, son jeune frère et lui doivent quitter la campagne pour venir en ville, la mort de sa mère, sa rencontre avec Edith Bratt, sa scolarité et sa mobilisation pour la "Der des Ders". Donc oui, nous avons un bel aperçu de sa jeunesse, de ses moments d'amitié, de tracas, de regrets mais... c'est tout. C'est tout et on soulève le point le plus important : où est le reste ? Oui, je conçois que traiter de la scolarité de Tolkien est un sujet de focalisation important : on y découvre sa passion pour les langues, le fait qu'il y rencontre ses amis de T.C.B.S. et le professeur Jospeh Wright qui jouent un rôle plus qu'important dans sa vie. Je conçois que les moments passés avec Edith Bratt soient intéressants, notamment le passage concernant l'opéra de Richard Wagner : L'Anneau du Nibelung. Bien évidemment, il semble inévitable de parler de la Première Guerre Mondiale, moment où les premières esquisses de la Terre du Milieu jaillissent, période qui l'a profondément marqué (notamment à cause de la perte de tous ses amis). Mais... Est-ce vraiment les passages que l'on aurait souhaité voir dans un biopic sur Tolkien ? Où est la scène qui traite de l'écriture de son roman Le Seigneur des Anneaux ? Où est la scène où il donne à son épouse le nom de Lúthien ? Est-ce véritablement cette minuscule scène dans le film qui sert d'introduction à l'écriture de son roman Le Hobbit ; quitte à vouloir voir à l'écran un fait romancé, faisant parti un mythe de Tolkien, où est la scène de la feuille blanche du professeur qui accueillera les mots : "Dans un trou vivait un hobbit" ? Et bon dieu ! Où est la scène de rencontre avec C.S. Lewis ? Non mais sérieusement, où est l'auteur de la saga littéraire Les Chroniques de Narnia ?! Des deux heures que l'on nous offre, j'ai bien l'impression que trente minutes de séquence semblent véritablement véhiculer une vision "spectaculaire" de la vie de l'auteur... Le reste n'est que accessoire... Bien sûr, je ne m'attendais pas à une divination de l'auteur, mais vraiment à une focalisation sur les moments d'écriture et d'invention de ces romans et de son univers, pas uniquement les successions de ces matchs de rubgy ou les séances de lectures entre amis. Il y avait tant à dire et j'ai bien l'impression que l'on a décidé d'en dire le moins possible : pourquoi cette retenue ? D'autant que de nombreuses scènes sont poignantes : toute la séquence finale sur le front de la Somme, mêlant l'horreur de la guerre des tranchées avec les visions de sa mythologie (le dragon, les spectres et Morgoth sur le no man's land... franchement, c'est du génie !) et surtout sa rencontre avec le professeur Joseph Wright qui semblent, à mon sens, l'un des plus beaux passages du biopic. Que comprendre ? Est-ce parce que, selon les dires, la famille Tolkien n'a pas approuvé la réalisation de ce film que l'on a décidé d'en montrer le moins possible ? Alors certes, nous avons les débuts de l'écrivain mais c'est tout et c'est peu comparé à tout ce qui tourne autour de lui, de ses créations et de son imagination mais ce n'est pas quelques références, des mentions de noms de personnages (Gandalf entre autre) qui seront rattrapés cette forme de vide malheureusement. C'est exactement comme cela que je vois la chose : un biopic épique mais qui hélas semble bien vide ; à mon sens - fort à parier que certains ne seront pas d'accord avec mon avis - la période montrée au sein du biopic n'était pas la bonne, il aurait fallu se focaliser davantage sur la période d'écriture et de création, elle aurait été bien plus intéressante.
Concernant les personnages et les acteurs. Pour commencer, pour ce qui est des acteurs, je n'ai guère de choses à dire si ce n'est que nous avons un casting plutôt agréable : Nicholas Hoult dans le rôle de Tolkien, Lilly Collins mignonne dans le rôle d'Edith Bratt, Derek Jacobi dans son rôle du professeur Wright... Et pour les personnages, ils ont l'air d'être réels ; ne les ayant pas connu au début du XXème siècle - je ne suis pas si vieux. Pour un biopic, les personnages demeurent vivants et sympathiques à suivre. Pour ce point là, il n'y a guère de choses à dire en mal, ni même en bien quelque part ; sauf peut-être pour le soldat qui l'aide sur le front et qui ne souhaite pas le laisser tomber : il est dénommé Sam. Coïncidence ? Je ne crois pas !
Pour la technique, force est de constater que l'on ne peut s'empêcher de penser à la trilogie de Peter Jackson, même en regardant ce biopic, à croire que le réalisateur l'a fait exprès d'ailleurs : les séquences de Tolkien à la campagne, avec ces larges plans bucoliques rappelant la Comté, l'arrivée dans les villes nous remémorant l'industrie de l'Isengard... Il semble indéniable que notre appréciation (ou même simplement notre visionnage) des films de Peter Jackson joue sur nos ressentis concernant ce biopic. Pour les effets spéciaux, notamment ceux utilisés pour les séquences de batailles dans les tranchées, ce doit être les scènes les plus mémorables, tant par les effets employés que par les plans proposés. Le dragon qui naît des lances-flammes allemands et qui disparaît dans le gaz moutarde, les cavaliers anglais qui se font faucher par des spectres invisibles et des seigneurs des ténèbres animés par la cendre et le feu des bombardements... Une mise en scène vraiment excellente concernant cet instant en particulier. Pour le reste, biopic oblige, on reste sur du basique ; on notera tout de même l'importance accordée aux détails, notamment avec les nombreux brouillons et dessins de Tolkien, remplissant ces cahiers et les murs de sa chambre.
Pour la musique, puisque les paysages et les lieux sont tirés du monde réel (Birmingham, Oxford...), nous avons le droit à une composition calme, émouvante, touchante avec - mais là aussi, c'est peut-être le fait d'avoir pensé un peu trop aux adaptations de Peter Jackson - une certaine consonance elfique, chantée et apaisante. Une bande son à la hauteur de l'imaginaire de Tolkien en somme ; à écouter, très sérieusement !
Ce biopic demeure un excellent divertissement, quand bien même, et je reste campé sur ces positions, il se focalise sur les mauvaises périodes de la vie de l'auteur. Il propose cependant une lecture intéressante de sa jeunesse, de sa scolarité, de ses moments d'amitié et d'amour en pointant du doigt tout ce qui semblait cher à Tolkien, ce qu'il aimait retrouver dans les livres. De ce fait, je peux aisément le recommander pour les passionnés de Tolkien et de la Terre du Milieu. Ce biopic peut également faire l'affaire pour ceux souhaitant avoir un aperçu de sa vie (surtout grâce aux connections que l'on peut faire, volontairement ou involontairement, avec les adaptations de Peter Jackson) mais encore une fois, on reste sur un rendu que l'on peut reconnaître comme un peu vide dès l'instant où l'on sait tout ce que le monsieur a fait et proposé tout au long de sa vie.
Mais n'oubliez pas : la Fantasy lui appartient !