Tim Story n’est sans doute pas l’ambassadeur le plus fin pour s’attaquer au vestige même d’Hanna-Barbera Productions. De « Barbershop » à « Shaft », en passant par « Les 4 Fantastiques », le cinéaste a tout de même eu du crédit pour imposer sa patte et ses motivations, notamment dans la diversité de son casting. Mais pour le coup, il se retrouve face à un dilemme d’adaptation, où Zemeckis trône toujours à l’heure actuelle, entre les prises des vue réelles et l’animation de synthèse. Ainsi, le film endure l’excursion d’un moment, loin de ce que la franchise a pu offrir sur le petit et le grand écran. Ce choix n’est pas anodin et une méfiance s’installe rapidement lorsqu’on nous livre le cadre luxuriant et légèrement sarcastique de la grande pomme. Alors qu’un second « Space Jam » s’apprête à voir le jour, cette œuvre promet un avant-goût des paris techniques d’un studio qui, malgré ses boutades amicales, a du retard sur l’autre souris aux grandes oreilles.
Mais alors que pouvions-nous attendre de Story dans cette aventure éphémère ? L’action domine la plupart de ses œuvres, mais le temps n’a pas vraiment affiné son approche et il finit par transporter les mêmes erreurs, au même titre qu’il néglige l’essence même que ce que représente la série animée dans l’imaginaire collectif. Les gags sont répétitifs, rien de neuf à se mettre sous la dent, hormis le fait de transposer tout le bestiaire en image 3D. Et c’est à ce niveau que l’on est plus embarrassé, quand il s’agit d’animer sans une once de vitalité. Le produit comique des années 40 prend le revers d’un manque d’investissement évident. Cueillir une licence parce qu’elle a encore de la valeur n’a ni sens, ni pertinence si l’on ne comprend pas bien ses exigences. Le film avance ainsi, sans savoir quoi faire de ses personnages, se tapant dessus à coup de bruitages, alors que le spectateur est venu pour des sensations un poil plus grands.
En s’ajoutant ainsi toutes les difficultés possibles, ce film illustre toute l’incapacité et la passivité de producteurs ivres de leur catalogue, trop riches trop générationnels et pourtant, les tentatives de redorer le blason sont nombreuses. Ce ne sera donc pas avec l’aide de Chloë Grace Moretz ou Michael Peña, qualifiés pour le poste, que l’on justifiera cette soudaine envie de rappeler qui est le dernier en date à couver les droits des deux frères bagarreurs. L’existence même de cette œuvre est discutable, notamment dans le format long qui ne réussit guère à gagner en rythme ou fantaisie. En témoigne le mariage évoqué et ironiquement loupé dans ses premiers instants, car les humains ne sont que rarement sollicités dans cette fausse fougue numérique et le réel est relégué au rang d’accessoire. Confondre les enjeux simplistes et universels est une problématique récurrente ces dernières années, où chaque événement hollywoodien résonne comme la plus hypocrite des révélations.
Les nouveaux créateurs ne palpent que la surface des courts-métrages et appauvrissent grandement l’héritage et l’esprit anarchique de la saga. Il ne s’agit pas uniquement de mettre en scène un chat qui course sa souris. Ce que nous voyons à l’écran tient davantage d’une complicité et d’une complémentarité, en incluant le bouledogue Spike. L’idée est présente, mais l’intention est toute autre. Et le film se crashe dans ce conflit, qui n’épouse pas entièrement les règles établies par le cartoon et celles de notre société contemporaine, maladroitement vulgarisée. Finalement, « Tom & Jerry » n’aura pas de mal à séduire les petits enfants. Sans conséquences ni succès pour le reste de l’audience.