Le Reader’s Digest qui veut faire des films family friendly, c’est quelque chose ! Pas sûr que ce fût ”digeste” pour les jeunes à l’époque de subir 100 minutes des compositions de John Williams rythmant les quatre cents coups de Tom Sawyer. C’est un film ringard aujourd’hui, mais il n’y était pas prédestiné : le Mississippi a toujours fasciné & d’autres vieux films avec des bateaux à roues à aubes ont survécu aux décennies sans que l’œil du spectateur dût se coller aux arabesques ouvragées des colonnettes de son pont en se disant : ”fichtre, c’est vieux”.
La réussite du film ne tient certainement pas aux deux gamins qu’on fait jouer (bien) & chanter (mal) ni à l’ambiance (lourde) pauvrement centrée autour d’un crime ne faisant même pas figure de fil rouge. Il faut le voir pour Celeste Holm, qui transforme comme par magie toute sa maisonnée en décor enfin foisonnant de vie. Sévère & douce à la façon de ces femmes formidables qui font de si beaux personnages dans des films de longue haleine, elle arrive à montrer toutes ses valeurs même dans les contradictions d’un scénario un peu comprimé.
Ce gain d’espace respire d’ailleurs le chapitre sous pression ; le livre de Mark Twain est coupé jusqu’à n’avoir plus que les scènes signifiantes & c’est au spectateur de se ”presser” pour être certain qu’il glane tout le frisson parmi les agissements du garnement. On a envie de trouver des passages inspirés autres que les cascades (que Johnny Whitaker pratique lui-même avec une aise à faire pâlir un responsable de la sécurité infantile aujourd’hui), mais c’est difficile quand l’espoir qu’on a de voir jaillir quelque prouesse est gâché par un 4 Juillet mièvre à pleurer où toute une ville part en vadrouille comme une foule de Rabbi Jacob sous gaz hilarant.
J’espère ne pas avoir à visionner de ”film family friendly du Reader’s Digest” avant quelque temps. Si au moins la licence littéraire dépassait des quelques lignes les plus pertinentes (avec peut-être la marge nécessaire pour composer des paroles dignes d’une oreille profane), on oublierait facilement le temps passé depuis le tournage.
Quantième Art