Après avoir collaboré avec un producteur iconique de la Gainax pour Karate-Robo Zaborgar, Noboru IGUCHI continue la même année sa tournée des grands studios japonais en acceptant de réaliser une adaptation du manga Tomie de Junji ITŌ pour le compte de la Toei, studio spécialiste des adaptations de mangas et du cinéma d’horreur. Ce manga raconte l’histoire d’une jeune fille portant en elle le reflet des pires sentiments négatifs et poussant les autres à la tuer de façon horrible, celle-ci pouvant se reconstituer et ainsi assouvir sa vengeance sur ceux qui l’ont assassinée.
Noboru IGUCHI n’est pas le premier à réaliser une adaptation de ce manga ; pas moins de sept adaptations cinématographiques – dont une portée par Takashi SHIMIZU, notamment réalisateur du monument The Grudge et du chef-d’œuvre Marebito – et une télévisuelle ont vu le jour depuis la fin des années 90.
En proposant avec Tomie: Unlimited sa propre version de l’histoire, Noboru IGUCHI ne manque pas d’y insuffler ses propres codes. L’ouverture à l’esthétique calquée sur celle d’un drama lycéen vole rapidement en éclat avec la mort brutale, absurde et ultra-symbolique du personnage éponyme qui vient lancer le film.
Même pour ce film produit par un grand studio, IGUCHI ne lésine pas sur les effets spéciaux bon marché, marque de fabrique de son œuvre. Épaulé par son fidèle compère Yoshihiro NISHIMURA, le réalisateur de The Machine Girl privilégie les effets spéciaux à même le plateau plutôt qu’en post-production, ce qui donne un rendu pour le moins atypique à ce film horrifique qui s’éloigne des canons du genre.
Cependant, cela n’empêche pas Noboru IGUCHI de jouer avec les codes de l’horreur made in Japan, devenus légion depuis le succès du film Ring de Hideo NAKATA. La mise en place absurde n’est jamais remise en question (en même temps, si un membre décédé de votre famille venait frapper à la porte, vous ne l’inviteriez pas à déjeuner ?) et contribue à l’ambiance cauchemardesque qui hante le film.
Le film évolue assez rapidement et on retrouve le goût d’IGUCHI pour l’hémoglobine et les monstruosités physiques. Chaque nouvelle apparition de Tomie est plus absurde que la précédente et fait de Tomie: Unlimited un mélange surprenant entre le carcan classique des codes de la J-horror et les délires habituels de Noboru IGUCHI. Certains moments du film parviennent à créer une véritable ambiance horrifique stressante et prenante, mais celui-ci est généralement bien trop vite rattrapé par sa bêtise. Chaque bonne idée pour un film d’horreur est systématiquement suivie d’une scène grotesque comme seul le réalisateur en a le secret.
Véritable cauchemar éveillé, le film transporte les personnages à travers une succession de scènes absolument chaotique dont une scène clef abominable où tous les membres de la familles des deux jeunes sœurs se retrouvent à patauger au milieu de morceaux de cadavres débordant d’une baignoire, scène ne manquant pas de rappeler l’incroyable Cold Fish de Sion SONO, d’ailleurs produit par Sushi Typhoon.
Tomie: Unlimited est en fin de compte une très bonne base qui pourrait donner un excellent film d’horreur si Noboru IGUCHI ne s’amusait pas en même temps avec ses propres codes.
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